Les entreprises axées sur la cryptomonnaie ont parcouru un long chemin depuis leurs débuts en termes de structure d'entreprise, de motivation des employés, de systèmes décisionnels, de conformité et d'autres aspects de leurs activités. Alors qu'au début des années 2010, des startups ont été fondées par de petits groupes de passionnés de cryptomonnaie, l'espace s'est depuis développé pour accueillir de grandes entreprises institutionnelles.

Pourtant, les sociétés de cryptomonnaie sont engagées dans les affaires, et les affaires sont étrangères à l'anarchie. La croissance rapide de l'industrie des cryptomonnaies dans les années 2010 a transformé de petites entreprises indépendantes en énormes conglomérats comptant des milliers d'employés et de bureaux dans le monde entier. Des fonds d'investissement et des investisseurs professionnels en possèdent des parts, beaucoup ont des conseils d'administration qui fonctionnent, et leurs structures d'entreprise comptent des dizaines de départements et de divisions. Mais toute cette bureaucratie ne détruit-elle pas la philosophie même des cryptomonnaies ?

Comme toute autre entreprise, la plupart des entreprises de cryptomonnaie ont démarré lorsque leurs fondateurs ont eu l'idée de lancer une entreprise. La différence, cependant, c'est que la cryptomonnaie n'est pas seulement une nouvelle forme de finance;; elle a aussi un fondement idéologique qui combine l'esprit de décentralisation, de liberté et d'anonymat. Au cours de la dernière décennie, les cryptomonnaies ont défié les monnaies fiduciaires traditionnelles et rejeté de nombreuses règles du monde financier, semant la confusion dans la vie mesurée de l'industrie mondiale de l'investissement.

Depuis le tout début

La bourse de cryptomonnaie Huobi a été mise sur pied par deux cofondateurs, Du Jun et Leon Li, en septembre 2013. En novembre 2013, Huobi avait déjà atteint un volume de transactions en bitcoins (BTC) de 1 milliard de yuans (environ 6 milliards de dollars à l'époque) et a commencé à recevoir des financements d'investisseurs de premier plan. Au cours de sa première année d'existence, l'effectif de Huobi a dépassé les 100 personnes, et la bourse compte désormais plus de 2 000 employés dans sa structure d'entreprise. Elle s'est rapidement transformée d'une startup de cryptomonnaie en une grande entreprise avec un chiffre d'affaires de plusieurs milliards de dollars. Des investisseurs institutionnels tels que le fonds de risque chinois Zhen Fund et Sequoia Capital ont pris des participations dans Huobi en 2013 et 2014, respectivement.

1inch Network, un autre exchange, a été fondé lors du hackathon ETHNewYork en mai 2019 par Sergej Kunz et Anton Bukov, des ingénieurs ayant de nombreuses années d'expérience dans le développement de logiciels. Aujourd'hui, 1inch est un réseau décentralisé de plus de 100 contributeurs répartis dans le monde entier. D'après ce que l'on peut comprendre, l'entreprise n'a pas de bureau, et les employés peuvent travailler depuis n'importe où dans le monde. Néanmoins, elle dispose d'une structure d'entreprise, ainsi que d'un financement de Binance Labs qu'elle a reçu en août 2020.

Les couleurs de l'entreprise

En 2014, le livre de Frédéric Laloux intitulé Réinventer les organisations a été publié. Il est le résultat d'une étude de trois ans sur 12 entreprises (dont Patagonia, Zappos et Sounds True) qui ont promu des pratiques et des principes de gestion non conventionnels. Dans le livre, Laloux identifie cinq types d'entreprises, qu'il classe en fonction de leur forme de gouvernance d'entreprise : rouge, orange, jaune, vert et sarcelle. Selon l'auteur, les entreprises de couleur sarcelle représentent la forme la plus élevée d'organisation. Elles se caractérisent par l'absence de structure hiérarchique, une transparence maximale et une grande liberté de décision et d'expression des salariés.

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Malheureusement, Laloux n'a pas étudié les organisations financières, et encore moins les startups financières, donc il n'y a aucune information dans son livre sur la couleur à laquelle les sociétés de cryptomonnaie pourraient être classées. Néanmoins, un cadre de Huobi et un fondateur de 1inch ont déclaré à Cointelegraph qu'ils considéraient leurs entreprises comme étant de couleur sarcelle.

Décrivant la théorie de Laloux sur l'évolution des organisations, Jeff Mei, directeur de la stratégie mondiale chez Huobi Global, a déclaré à Cointelegraph que la couleur sarcelle représente le stade final, caractérisé par « des systèmes adaptatifs complexes à autorité distribuée, souvent structurés en équipes ou réseaux décentralisés et autogérés. » À ce stade, « les hiérarchies pyramidales statiques cèdent la place à des hiérarchies naturelles fluides, où le pouvoir passe aux personnes ayant le plus d'expérience, de passion ou d'intérêt. »

Source: Readingraphics

Mei a déclaré que cette description « coïncide avec les croyances fondamentales de Huobi ainsi qu'avec les valeurs sous-jacentes de la blockchain elle-même. »

Le cofondateur de 1inch, Bukov, a déclaré à Cointelegraph qu'il pensait que les efforts de son entreprise « pour créer une "organisation sarcelle" sont non seulement couronnés de succès, mais sont également assez durables sur le long terme. Si une hiérarchie d'entreprise peut fonctionner pour certaines sociétés, elle n'est pas très adaptée aux projets de finance décentralisée. En fait, moins la structure du projet est hiérarchisée, mieux c'est. » Il ajoute :

« Mais la cohérence entre les différentes équipes est essentielle pour s'assurer qu'elles sont sur la même longueur d'onde. Le respect des règles est absolument normal pour les projets DeFi, et la liberté ne doit en aucun cas signifier la violation des lois. La liberté et la décentralisation restent des valeurs fondamentales de 1inch Network, quelle que soit la taille du projet. Nos équipes jouissent d'un haut degré d'indépendance, et si, par exemple, une équipe ne pense pas qu'une idée est prometteuse et mérite d'être poursuivie, cette idée sera débattue jusqu'à ce qu'un consensus soit atteint. »

Liberté ou conformité ?

L'idéologie de la blockchain et des cryptomonnaies - exprimée par la décentralisation, la liberté et l'anonymat - a récemment été testée et même remise en question par certaines sociétés de cryptomonnaies. 

Mei a déclaré que « Grâce aux nombreuses réglementations des gouvernements du monde entier, ainsi qu'aux failles de sécurité et même aux crashs de pièces, nous avons conclu en 2022 que la cryptomonnaie en tant qu'actif a besoin d'une certaine forme de réglementation pour servir d'ancre et de ligne de fond pour la protection. »

Il a ajouté qu' «un certain degré de conformité et de réglementation est nécessaire pour que la cryptomonnaie en tant que classe d'actifs devienne généralement acceptée, mais la nature de la technologie blockchain devrait toujours permettre un certain degré d'autonomie et de décentralisation. Ces deux idéologies contrastées doivent coexister dans une certaine mesure.»

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Selon Mei, les exchanges comme Huobi fonctionnent sur un spectre où la décentralisation et la conformité coexistent déjà : « La transparence et la responsabilité doivent demeurer dans certains aspects des structures d'entreprise traditionnelles, mais nous pouvons apprendre de l'esprit de contribution et de collaboration mises en commun. Un système avec une distribution plus sûre et plus efficace du travail et des informations est bénéfique à la fois dans le monde de la blockchain et dans la structure de l'entreprise. » 

Un avenir sarcelle ou rouge ? 

Le secteur des cryptomonnaies s'est développé rapidement ces dernières années, et cela ne peut que continuer. De nombreuses entreprises opérant sur le marché des cryptomonnaies déclarent s'engager à respecter les valeurs caractéristiques des organisations « sarcelles ». Bien sûr, à mesure que les sociétés de cryptomonnaie prolifèrent et deviennent des entreprises d'investissement institutionnalisées, les pratiques de gouvernance d'entreprise vont également changer. Les entreprises qui s'efforcent de faire preuve d'ouverture, d'autonomie et de consensus peuvent être confrontées à des exigences réglementaires strictes, à des pressions concurrentielles et à d'autres défis externes.

Les sociétés de cryptomonnaie seront-elles capables de rester fidèles aux valeurs originelles du secteur ou seront-elles contraintes de devenir plus centralisées et plus « rouges » ? L'avenir nous le dira. Pour l'instant, cependant, les représentants de Huobi et de 1inch sont optimistes. Fait curieux : lors du récent rafraîchissement de la marque Huobi, ses couleurs officielles ont pris une nouvelle teinte sarcelle et verte. On ne peut qu'espérer qu'à l'avenir, la société soit en mesure de conserver ces couleurs comme un élément de sa gouvernance, et pas seulement son logo.