Loin des débats techniques autour de la blockchain, la dernière décision du Sénat américain sur le projet de loi GENIUS a exposé une faille politique d’envergure. En pleine montée en puissance des enjeux crypto sur la scène législative, seize sénateurs démocrates ont fait voler en éclats l’unité de leur parti en soutenant un texte que beaucoup considèrent comme un cheval de Troie politique. Pourquoi un tel revirement de position ? Et que révèle-t-il de l’état réel des rapports de force entre progressistes et modérés chez les Démocrates ?
Un vote controversé : Les Démocrates fracturés par le projet GENIUS
Le 19 mai, seize sénateurs démocrates ont voté en faveur d’une motion de procédure visant à ouvrir le débat sur le projet de loi GENIUS relatif aux stablecoins. Cette volte-face a pris de court une partie du parti, qui voyait dans cette loi une porte ouverte à la corruption. La version amendée du texte ne contient pourtant aucune disposition concernant World Liberty Financial, l’entreprise crypto liée à la famille Trump.
Kirsten Gillibrand, co-autrice du texte, estime que cela ne doit pas détourner l’attention de l’objectif principal : « construire une structure réglementaire claire qui puisse rapatrier cette industrie aux États-Unis ». À l’opposé, Elizabeth Warren a dénoncé le texte, accusant la loi sur les stablecoins de « compromettre la stabilité financière, la protection des consommateurs et la sécurité nationale » tout en « facilitant la corruption du président ».
Militants et progressistes à l’offensive : La guerre interne s’intensifie
Alors que le Sénat entame l’étude du texte, c’est la base progressiste du Parti démocrate qui entre en résistance. Le sénateur Michael Bennet a immédiatement répliqué avec une proposition de loi ironiquement nommée STABLE GENIUS Act, interdisant aux élus de détenir ou promouvoir des actifs crypto pendant leur mandat, et exigeant un trust à l’aveugle.
Des figures militantes telles qu’Ezra Levin ou Chris Kluwe appellent désormais à des représailles électorales. La décision du Comité national démocrate, le 12 mai, de démettre David Hogg — figure de l’aile gauche — de son poste après qu’il ait voulu investir 20 millions de dollars dans des candidats progressistes, n’a fait qu’envenimer les tensions. L’issue ? Une opposition démocrate divisée, des intérêts éclatés, et une base électorale radicalisée.
Derrière le vote procédural sur un projet crypto se cache une véritable bataille pour l’âme du Parti démocrate. L’adoption de la motion ouvre la voie à une législation sur les stablecoins, mais révèle surtout une division profonde entre pragmatisme réglementaire et combat idéologique. Si la tendance actuelle semble favoriser les centristes, le réveil des bases militantes et les menaces de primaires internes pourraient rebattre les cartes. Le secteur crypto, lui, reste plus que jamais au cœur des affrontements politiques américains, et ce n’est que le début.