La communauté des créanciers de FTX attend une décision cruciale qui pourrait permettre à la structure en charge de la faillite de bloquer les paiements destinés aux créanciers de certains pays dits « restreints », dont la Chine.

Mardi prochain, le tribunal américain des faillites du Delaware doit se prononcer sur une motion qui autoriserait le liquidateur de FTX à suspendre les remboursements à des créanciers situés dans 49 pays considérés comme des « juridictions restreintes ».

Si la motion est validée, les créanciers concernés alertent sur des conséquences « dévastatrices », bien au-delà du seul dossier FTX.

« Cette affaire ne concerne pas uniquement les créanciers de FTX. Elle pourrait établir un précédent dangereux, capable de saper la confiance dans l’ensemble de l’écosystème crypto mondial », a déclaré Weiwei Ji, un créancier connu sous le nom de Will sur X.

Des pays « restreints » désignés sans validation judiciaire

Selon Ji, si le tribunal accepte la motion, cela pourrait créer une nouvelle norme dans les faillites d'exchanges crypto aux États-Unis.

« À l’avenir, n’importe quel exchange offshore qui se place sous la protection du droit américain pourrait suivre l’exemple de FTX : désigner unilatéralement certains pays comme “restreints”, geler les actifs de leurs utilisateurs et refuser légalement tout remboursement », a-t-il écrit sur X jeudi.

Source: Weiwei Ji

« Ces listes de pays restreints ne sont pas validées par les juges. Il suffit d’engager un avocat qui rédige un mémo — et c’est tout », déplore Ji.

Près de 70 objections déposées

Depuis le dépôt de la motion par FTX le 2 juillet, près de 70 objections avaient été enregistrées vendredi à 11h00 UTC, selon les documents consultés par Cointelegraph via la plateforme Kroll.

La majorité de ces objections émanent de créanciers chinois, représentant plus de la moitié des dépôts, y compris celle de Ji.

Cela correspond à la réalité : la Chine représente à elle seule 82 % de la valeur totale des créances potentiellement concernées par ces restrictions.

Des objections venues d’Arabie Saoudite et d’ailleurs

Outre les créanciers chinois, au moins une objection a été déposée par un ressortissant saoudien, Faisal Saad Almutairi.

« En qualifiant les demandeurs de certains pays comme inéligibles aux remboursements, le plan établit une discrimination injuste. Mon pays n’interdit pas la détention ou l’échange de cryptomonnaies. Les préoccupations réglementaires invoquées sont spéculatives et ne justifient en rien un refus de remboursement », peut-on lire dans son objection.

La motion du liquidateur de FTX (déposée le 2 juillet), accompagnée d’une objection provenant d’Arabie Saoudite, datée de jeudi. Source : Kroll.

On retrouve également des objections venant de plusieurs pays non spécifiés, comme celles déposées par Oxana Kozlov, Amanuel Giorgis, et d’autres.

Conséquences sur la valeur des créances FTX

L’annonce de cette motion a immédiatement eu un impact sur la valorisation des créances FTX, en particulier celles liées aux juridictions dites « restreintes ».

« Nous avons observé une forte baisse - de 20 à 30 % - dans la tarification des créances provenant de juridictions dites restreintes », a déclaré à Cointelegraph Federico Natali, partenaire de la plateforme Paxtibi, spécialisée dans les créances en cas de faillite.

Selon Paxtibi, plus de 5,8 milliards de dollars de créances FTX auraient déjà été rachetées par des fonds spécialisés dans le crédit.

« Le prix proposé n’est, à mon sens, pas du tout favorable », a commenté Ji vendredi sur X, en faisant référence à des acheteurs comme FTXcreditor.com. « Pour ma part, je continue de me battre pour récupérer ce qui nous revient de droit — sans être forcé de vendre ma créance », a-t-il ajouté.


Source: Sunil Kavuri

Selon Sunil Kavuri, un autre créancier FTX, environ 1,4 milliard de dollars de créances restent en suspens, dont 380 millions proviennent de Chine et 660 millions sont contestés.

Pour Yuriy Brisov, fondateur de la plateforme CryptoMap dédiée à la régulation crypto, la décision de vendre une créance dépend de plusieurs facteurs : le profil de risque de chacun, son accès à l'information et sa compréhension du processus judiciaire.

« Le point essentiel est le suivant : lorsque les créances deviennent des instruments d’échange, la précision juridique devient une stratégie. Et FTX n’est que le premier cas d’une nouvelle ère d’insolvabilité numérique à l’échelle mondiale », conclut-il.