La Securities and Exchange Commission (SEC) des États-Unis a conclu un accord avec Kraken le 9 février pour une action engagée contre le programme de récompenses de staking de l'exchange. Kraken a payé une amende de 30 millions de dollars et a accepté d'arrêter le programme.

Laissons de côté pour un instant l'ironie du fait que la SEC s'en prenne à une entreprise solvable de l'espace crypto, qui jouit depuis dix ans d'une réputation de bon acteur. Kraken a aidé à régulariser les réclamations de bitcoins (BTC) vérifiés depuis le piratage de l'exchange rival Mt. Gox il y a plus de dix ans. Il a inventé l'utilisation des données Merkle Root pour créer des preuves de réserves vérifiables. Il a permis aux clients de réaliser des audits de l'actif du bilan en vérifiant ce qui se trouve sur leur compte par rapport aux données on-chain.

Et si Sam Bankman-Fried a exhorté les clients à garder leurs tokens sur FTX pour des raisons évidentes, le fondateur de Kraken, Jesse Powell, a toujours été un adepte du « pas vos clés, pas vos cryptomonnaies ». Pendant ce temps, la SEC s'est endormie sur FTX, Terra et Three Arrows Capital. Cette semaine, la SEC s'est comportée comme un flic qui arrête une mère de famille en train de faire la navette entre son domicile et son lieu de travail, et qui lui jette la pierre pour faire preuve de fermeté à l'égard de la criminalité après une série de cambriolages.

Absolument oui, cela s'est produit et se produira, et oui, nous serons obligés de nous y conformer. Si cela vous inquiète, ne gardez pas vos fonds chez un dépositaire centralisé/réglementé. Nous ne pouvons pas vous protéger. Sortez vos cryptomonnaies/argent liquide et ne faites que des échanges P2P.- Jesse Powell (@jespow) 18 février 2022

Nous devons mettre de côté toute autre hypocrisie politique dans cette affaire, comme les politiciens qui décrient les blockchains Proof-of-Work (PoW), et qui cherchent maintenant à interdire le staking sur les blockchains Proof-of-Stake (PoS). Ou encore le fait que Kraken ait tenté de se mettre en conformité avec la SEC, en demandant une licence de système de négociation alternatif, mais qu'il ait reçu une réponse négative.

La SEC a souligné que le programme de staking de Kraken était un programme de garde, regroupant les actifs des investisseurs. Certains sur Twitter ont rapidement commenté que c'est en fait une excellente nouvelle pour la crypto. « Hé, regardez, Gary Gensler, président de la SEC, reprend notre devise "pas vos clés, pas vos cryptomonnaies". Cela signifie simplement plus de décentralisation du staking dans les blockchains PoS. »

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Pas si vite. Lido et Rocket Pool sont des alternatives innovantes aux programmes de staking des exchanges centralisés, mais ils mettent également en commun les tokens. La mise en commun est essentielle pour que la plupart des investisseurs particuliers puissent participer au staking sur Ethereum, en raison de la mise minimale de 32 ethers (ETH) (~50 000 dollars). Le mode opératoire de la SEC contre Kraken sera éventuellement utilisé contre ces protocoles. La SEC est adepte de la déformation de la définition de la valeur mobilière dans la loi pour couvrir toutes sortes de choses folles, de la vente de chinchillas aux jeux d'argent en ligne en passant par les orangeraies. La SEC finira par appliquer ses règles du jeu à des protocoles de staking plus décentralisés si les fondateurs ne sont pas suffisamment anonymes.

C'est une erreur de supposer que Gensler croit en la philosophie cypherpunk derrière la devise « pas vos clés, pas vos cryptomonnaies ». Les réformes proposées par la SEC pour réglementer les systèmes de négociation alternatifs l'année dernière - qui obligeraient les développeurs qui écrivent le code des smart contracts à s'enregistrer en tant qu'exchanges- démontrent mieux que tout comment il considère la finance décentralisée (DeFi), car cela est impossible.

Il est de plus en plus clair, d'après les régulateurs financiers et la Maison Blanche, que la politique de l'administration à l'égard des cryptomonnaies a pour sous-entendu qu'elles doivent être étouffées. La Maison Blanche est contre le Proof-of-Work ; la SEC attaque les délégations du Proof-of-Stake, et les régulateurs bancaires utilisent des outils d'examen subtils pour encourager les banques à refuser l'accès à un compte bancaire à toute personne dont le nom contient crypto, même si le client en question ne détient pas réellement de crypto.

Si votre blockchain Proof-of-Work fonctionne de manière plus sûre, plus efficace ou plus équitable avec un système Proof-of-Stake, faites la transition comme l'a fait Ethereum. Mais ne passez pas au Proof-of-Stake en espérant qu'il vous protégera des risques réglementaires ou politiques, car ce ne sera pas le cas.

En tant que professeur de droit des valeurs mobilières, je peux mettre mon chapeau d'analyse, et trouver certains aspects du programme de récompenses de Kraken qui ont augmenté le risque qu'il soit considéré comme une valeur mobilière, en particulier certaines communications publicitaires. Mais cela ne signifie pas que le programme doit être supprimé, ou qu'une amende de cette nature est justifiée lorsqu'il n'y a pas eu de fraude ou de préjudice pour les investisseurs.

Il faudrait plutôt rédiger un ensemble de règles de travail pour les intermédiaires de garde offrant ce produit financier unique, comme la SEC l'a fait dans le passé pour les titres adossés à des actifs, les sociétés d'investissement immobilier, les sociétés commanditaires principales des compagnies pétrolières, etc. Il y a des légions d'avocats spécialisés dans les valeurs mobilières travaillant dans l'espace crypto, qui aideraient la SEC à rédiger le règlement aujourd'hui si elle en avait l'occasion. Ils pourraient le faire par le biais d'un appel à commentaires ouvert de la SEC sur la réglementation de la crypto, comme j'ai exhorté Gensler à le faire lorsque je l'ai conseillé. La dissidence du commissaire de la SEC Hester Peirce sur cette amende appelle également à un ensemble de règles raisonnables.

Jusqu'à ce que cela soit possible, le seul espoir pour la crypto est de continuer à contester juridiquement les excès de l'administration, et de créer des protocoles qui restent fidèles à la philosophie cypherpunk de Timothy May.

J.W. Verret est professeur associé à la George Mason Law School. Il est expert-comptable en cryptomonnaies, et pratique également le droit des valeurs mobilières au sein du cabinet Lawrence Law LLC. Il est membre du conseil consultatif du Financial Accounting Standards Board et ancien membre du comité consultatif des investisseurs de la SEC. Il dirige également le Crypto Freedom Lab, un groupe de réflexion qui lutte pour un changement de politique afin de préserver la liberté et la vie privée des développeurs et des utilisateurs de cryptomonnaies.

Cet article est destiné à des fins d'information générale et n'est pas destiné à être et ne doit pas être considéré comme un conseil juridique ou d'investissement. Les points de vue, réflexions et opinions exprimés ici n'engagent que l'auteur et ne reflètent ou ne représentent pas nécessairement ceux de Cointelegraph.