Les actions tokenisées promettaient une révolution financière, mais elles pourraient bien être stoppées net. Alors que les plus grandes plateformes crypto s’y intéressent de près, les régulateurs mondiaux intensifient leur pression sur ce segment encore émergent. Dans une lettre adressée à la SEC, des acteurs de poids comme l’ESMA, l’IOSCO et la World Federation of Exchanges (WFE) tirent la sonnette d’alarme sur les risques liés à ces produits qui n’en sont pas vraiment. Explications.
Les régulateurs s’unissent contre les actions tokenisées
Le marché des actions tokenisées vient de se heurter à un mur réglementaire inattendu. Dans une lettre récemment adressée à la SEC, plusieurs poids lourds de la régulation financière mondiale ont appelé à un encadrement strict de ces actifs crypto. Selon eux, les actions tokenisées « imitent » les titres traditionnels sans offrir les mêmes garanties juridiques et protections aux investisseurs. « Nous sommes alarmés par la multitude de courtiers et de plateformes de trading crypto qui proposent ou envisagent de proposer des actions américaines tokenisées », a déclaré la WFE à Reuters, sans toutefois nommer de firmes précises.
Derrière cette sortie conjointe, une inquiétude partagée : la croissance rapide de ce marché naissant, combinée à une communication souvent floue des plateformes crypto. Ces actions numériques ne représentent pas de véritables titres financiers, rappellent les régulateurs, et risquent d’induire les investisseurs en erreur. Cette offensive survient alors que le marché global de la tokenisation dépasse déjà les 26,5 milliards de dollars, bien que les actions tokenisées ne constituent encore qu’une part marginale de ce total.
Wall Street intéressé, mais freiné par les lobbys et la réglementation crypto
Paradoxalement, cette mise en garde intervient alors même que des géants crypto comme Coinbase, Kraken ou encore Robinhood explorent activement ce segment. La promesse : rendre les marchés plus accessibles, réduire les coûts de transaction et améliorer la liquidité grâce à la blockchain. Pourtant, cette dynamique d’innovation est systématiquement freinée par des pressions politiques et industrielles, comme en témoigne l’affaire du GENIUS Act aux États-Unis.
Si certains responsables à la SEC affichent un certain optimisme, la prudence reste de mise. En juillet, la commissaire Hester Peirce a rappelé que ces actifs, même innovants, doivent impérativement respecter les lois existantes sur les valeurs mobilières. Cette tension illustre parfaitement le dilemme auquel font face les institutions : accompagner la transformation numérique de la finance, sans compromettre la sécurité des marchés.
Les conséquences de cette fronde pourraient être majeures. À court terme, le développement des actions tokenisées risque de ralentir, voire d’être gelé sur certaines plateformes crypto. Mais à plus long terme, le débat relancé par cette lettre pourrait forcer les régulateurs à définir un cadre juridique spécifique pour ces produits hybrides. Un enjeu crucial, alors que la tokenisation est pressentie comme l’un des piliers de la finance de demain.