Et si une loi fédérale sur les stablecoins, pensée pour stimuler l’innovation financière aux États-Unis, mettait en péril les banques communautaires ? C’est l’alerte lancée par le sénateur républicain d’Alabama Keith Kelley, qui dénonce un « vide juridique » dans le GENIUS Act, voté en juillet dernier et signé par le président Donald Trump. À l’heure où la régulation crypto entre dans une nouvelle ère, cette polémique met en lumière un dilemme crucial : favoriser l’adoption des cryptos sans fragiliser le tissu bancaire local.
GENIUS Act : une faille qui inquiète les banques locales
Dans une tribune publiée ce mercredi dans 1819 News, le sénateur Keith Kelley a tiré la sonnette d’alarme sur les risques liés au GENIUS Act, récemment signé en loi. Ce texte vise à encadrer les émetteurs de stablecoins aux États-Unis, notamment en leur interdisant de verser des intérêts directs aux détenteurs de cryptos. Mais selon Kelley, un vide juridique majeur subsiste : « Le projet permettrait à des plateformes crypto de distribuer des récompenses financières », a-t-il déclaré, craignant un effet d’aspiration des dépôts hors des petites banques locales.
L’élu d’Alabama pointe un danger concret pour les établissements ruraux, qui dépendent fortement des dépôts pour octroyer des crédits : « Contrairement aux grandes banques, les banques communautaires comptent sur les dépôts locaux pour financer leurs prêts », rappelle-t-il. La fuite de ces capitaux vers les plateformes crypto pourrait ainsi mettre en péril l’accès au financement des foyers et PME, notamment dans les zones agricoles : « La perte d’un partenaire de prêt fiable pourrait être dévastatrice », insiste-t-il.
Une régulation crypto jugée floue, et un arbitrage réglementaire en embuscade
Au-delà de la question des banques locales, plusieurs experts redoutent que le GENIUS Act favorise un arbitrage réglementaire entre acteurs nationaux et étrangers. Timothy Massad, ancien président de la CFTC, dénonce une définition floue de ce qu’est un régime réglementaire « comparable » pour les émetteurs étrangers. « Le vide n’a pas été suffisamment comblé », affirme-t-il, suggérant que les acteurs étrangers pourraient contourner certaines obligations que doivent respecter leurs homologues américains.
Le texte stipule qu’aucun émetteur de stablecoin, national ou étranger, ne peut verser d’intérêts pour la simple détention d’un token. Mais il n’interdit pas explicitement de passer par des plateformes affiliées pour distribuer des rendements ou « rewards », créant une brèche légale. Pour Keith Kelley, cette faille revient à « permettre à ces entreprises crypto d’agir comme des banques sans respecter les mêmes règles. Ce n’est pas de l’innovation, c’est de l’arbitrage réglementaire ».
Alors que le GENIUS Act se voulait un jalon pour l’innovation crypto aux États-Unis, il soulève aujourd’hui de sérieuses inquiétudes sur ses effets secondaires pour le système bancaire local. Entre vide réglementaire et concurrence déloyale, les critiques appellent à une révision urgente des modalités d’application. Reste à savoir si le Trésor et la Fed entendront ces alertes avant que les conséquences ne deviennent irréversibles.