Moins de trois ans après leur émergence, les fonds de liquidité à court terme tokenisés viennent de franchir les 5,7 milliards de dollars d'encours sous gestion, selon Moody’s. Ce chiffre, encore marginal à l’échelle des 7 000 milliards $ détenus par les fonds monétaires traditionnels américains, traduit pourtant une croissance rapide, portée par des mastodontes comme BlackRock et Franklin Templeton. À la croisée des mondes entre finance centralisée et blockchain, ces nouveaux instruments séduisent banques privées, gestionnaires d’actifs et courtiers qui cherchent à optimiser la gestion de leur trésorerie tout en s’ouvrant aux marchés numériques.
Un marché en plein essor sous l'impulsion des géants de Wall Street
Moody’s souligne une croissance rapide des fonds de liquidité à court terme tokenisés, une catégorie de produits numériques adossés à des actifs peu risqués comme les bons du Trésor américain. Selon son rapport du 3 juin, ces fonds ont atteint 5,7 milliards $ d'actifs sous gestion depuis leur apparition en 2021. L’agence de notation met en avant leur attrait croissant auprès des gestionnaires d’actifs traditionnels, assureurs et courtiers souhaitant proposer des ponts entre fiats et actifs crypto.
Le marché est actuellement dominé par quelques acteurs clés. L’USD Institutional Digital Liquidity Fund de BlackRock enregistre à lui seul 2,5 milliards $, suivi du OnChain US Government Money Fund de Franklin Templeton avec 700 millions $. D’autres noms comme Superstate, Ondo Finance ou Circle s’imposent progressivement, avec des encours compris entre 480 et 660 millions $. L’Allemagne et l’Europe ne sont pas en reste : le protocole Midas a récemment lancé un certificat tokenisé basé sur les bons du Trésor américain pour les investisseurs européens.
Entre opportunités d’usage et risques technologiques sous-jacents
Si l'intérêt pour ces fonds tokenisés explose, c’est aussi parce que leurs cas d’usage évoluent rapidement. Moody’s identifie notamment leur potentiel comme outil de gestion de liquidité pour les assureurs, ou comme instrument de garanties dans les opérations de prêt et de trading. Pour les investisseurs institutionnels, ils représentent également une alternative de rendement aux stablecoins, avec un profil de risque mieux maîtrisé.
Mais cette promesse technologique n’est pas exempte de zones d’ombre. Moody’s alerte sur des risques spécifiques liés à la blockchain, absents dans les fonds monétaires classiques : failles dans les smart contracts, cybermenaces, disponibilité du réseau, et surtout, une incertitude réglementaire persistante. Autre inquiétude : la possibilité de désalignement entre les enregistrements sur la blockchain et les registres juridiques concernant la propriété effective des parts.
Ces incertitudes n’empêchent pas des initiatives comme celle de Robinhood, qui a récemment soumis à la SEC une proposition de cadre réglementaire pour la tokenisation. Son PDG, Vlad Tenev, n’hésite pas à parler d’un nouveau paradigme pour l’allocation institutionnelle d’actifs. Si la tendance se confirme, la tokenisation pourrait bien rebattre les cartes de la gestion d’actifs, tout en posant de nouveaux défis techniques, juridiques et réglementaires que le secteur devra anticiper.