Lorsque les données personnelles deviennent une monnaie d’échange pour les criminels et les publicitaires, la protection de la vie privée n’est plus un luxe, mais une urgence législative. Pourtant, au Sénat américain, cette urgence vient d’être freinée net. Le sénateur républicain Ted Cruz a bloqué deux projets de loi bipartisans censés limiter l’accès aux données personnelles des citoyens américains, arguant que ces textes pourraient entraver le travail des forces de l’ordre, notamment dans la lutte contre les délinquants sexuels. Derrière cette opposition, c’est toute la question de l’équilibre entre vie privée, sécurité publique et libertés individuelles qui est relancée.
Cruz bloque deux textes pour préserver l’accès aux données sensibles
Le Sénat américain examinait mercredi deux propositions de loi destinées à renforcer la protection de la vie privée des citoyens face aux courtiers en données. La première, le Senate Bill 2850, portée par le démocrate Ron Wyden, visait à empêcher la vente des données personnelles à des tiers anonymes – une pratique qui permet à « toute personne disposant d’une carte de crédit » d’acheter des informations sensibles, selon Wyden. Dans l’hémicycle, Ted Cruz a été le seul sénateur à s’opposer publiquement au texte. Il a estimé que la loi, en l’état, pourrait « gêner les efforts pour s'assurer que les délinquants sexuels condamnés soient tenus à l'écart des enfants. »
La seconde proposition, le Senate Bill 2851, présentée juste après par le même sénateur démocrate, visait un périmètre plus restreint : offrir une protection renforcée aux élus fédéraux, aux fonctionnaires, aux survivants de violences sexuelles ou conjugales. Là encore, Cruz a objecté, avançant des raisons similaires. Toutefois, il n’a pas fermé la porte au dialogue. « Je suis intéressé à élargir la protection autant que possible, dans la mesure du raisonnable. Mais cette réponse n’est pas encore finalisée », a-t-il affirmé, se disant prêt à collaborer avec Wyden pour retravailler les textes.
Données, menaces et vie privée : un débat aux multiples ramifications
L’actualité de ces projets de loi est également marquée par une tragédie : l’assassinat en juin dernier de l’ancienne représentante du Minnesota, Melissa Hortman, à son domicile. Selon le FBI, l’auteur présumé, Luther Boelter, aurait trouvé son adresse via des courtiers en données. Cet événement a ravivé l’appel à la réforme de la protection des données, en particulier pour les figures publiques. Dans l’univers crypto, la problématique n’est pas nouvelle : selon le Bitcoiner Jameson Lopp, plus de 50 attaques contre des détenteurs de crypto ont été recensées en 2025. Dans la majorité des cas, les adresses des victimes auraient été obtenues par des moyens similaires.
Au-delà des sénateurs et des personnalités publiques, la question touche donc l’ensemble des citoyens, notamment ceux exposés dans l’écosystème crypto, où la transparence des réseaux contraste avec la vulnérabilité des utilisateurs. D’autant plus que les courtiers en données ne se contentent pas de collecter noms et adresses : ils compilent aussi numéros de téléphone, données financières et habitudes de navigation, vendues à des entreprises pour du ciblage marketing ou – pire – utilisées par des criminels.
En conclusion, le blocage de ces deux propositions de loi, malgré leur nature bipartisane, illustre les tensions profondes entre impératifs de sécurité publique et protection des libertés individuelles. Pour le secteur crypto, qui s’est construit sur la défense de la vie privée et l’émancipation des structures centralisées, cet épisode est un nouveau signal d’alarme. Si aucune régulation cohérente n’émerge, les menaces sur les individus, et sur l’avenir d’un internet décentralisé, pourraient se multiplier.