Alors que les tensions commerciales s’exacerbent sur la scène internationale, avec le retour en force des politiques protectionnistes, un nouvel acteur pourrait entrer en jeu : la technologie blockchain. À l’heure où la transparence et la traçabilité deviennent critiques pour appliquer équitablement les régimes de droits de douane, certains experts voient dans le Web3 une réponse stratégique à ces enjeux. C’est notamment la conviction des dirigeants de Truebit, une solution blockchain spécialisée dans la vérification de données.

La blockchain comme outil de transparence dans le commerce mondial

Le 2 avril, l’annonce par Donald Trump d’un vaste plan de taxation sur les importations américaines, visant notamment la Chine, a ravivé les craintes d’une guerre commerciale mondiale. Selon les dirigeants de Truebit, cette situation pourrait paradoxalement ouvrir la voie à une adoption accrue de la technologie blockchain par les gouvernements. L’idée : utiliser les registres immuables du Web3 pour assurer l’application équitable des droits de douane, en empêchant notamment les entreprises de maquiller l’origine réelle de leurs produits pour contourner les taxes.

Federico Kattan, Directeur technique de Truebit, explique qu’une entreprise pourrait tenter d’assembler ou d’emballer un produit dans un pays à faible taxation, avant de l’exporter vers les États-Unis avec une taxe réduite de 10 %, contre 58 % si l’origine réelle était connue. La blockchain permettrait d’éviter cette manipulation, en enregistrant chaque étape du parcours logistique. Truebit, déjà engagé dans un projet financé par l’Union européenne, affirme collaborer avec des fournisseurs de logiciels travaillant avec le gouvernement américain, dans l’objectif d’intégrer la blockchain à grande échelle.

La menace d’un Web3 fragilisé par les politiques protectionnistes

Toutefois, d'autres figures de l'industrie crypto alertent sur les conséquences néfastes que des guerres commerciales exacerbées pourraient avoir sur l’infrastructure même des blockchains. « Des politiques tarifaires agressives et des mesures de rétorsion pourraient créer des obstacles pour les opérateurs de nœuds, les validateurs et d’autres acteurs clés des réseaux blockchain », prévient Nicholas Roberts-Huntley, PDG de Concrete & Glow Finance.

Au-delà de la seule question logistique, ce sont des pans entiers de l’architecture Web3 qui pourraient être menacés : accessibilité réduite, censure régionale, ou encore fragmentation des cadres réglementaires. En effet, si chaque pays érige ses propres barrières technologiques ou législatives sous prétexte de sécurité économique ou de souveraineté numérique, la promesse d’un réseau mondial décentralisé pourrait s'effondrer.

Si les tensions commerciales ravivent les débats sur la souveraineté économique, la blockchain s’impose comme une technologie à la croisée des chemins : à la fois comme promesse d’équité dans l’application des politiques tarifaires, mais aussi une victime de leur radicalisation. Si l’intuition de Truebit venait à se vérifier, le Web3 pourrait entrer dans une ère de légitimation étatique. Cependant, les obstacles techniques, politiques et géopolitiques à surmonter restent considérables. Aux acteurs du secteur de se positionner intelligemment dans ce contexte mouvant.