L’Autorité des marchés financiers (AMF) et l’Autorité de régulation professionnelle de la publicité (ARPP) ont annoncé signer un avenant à leur convention de partenariat sur la communication du secteur des services financiers en étendant le champ de la régulation aux actifs numériques. Alors que les marchés des crypto-actifs ont été confrontés ces derniers mois à une grande instabilité, les autorités de régulation entendent surveiller les pratiques des influenceurs sur les réseaux sociaux afin de mieux informer les potentiels investisseurs.

Un nouvel axe prioritaire pour les autorités de régulation

Depuis quelques mois, les marchés des actifs numériques sont au centre de l’attention des régulateurs mondiaux. Face à la chute des cours des cryptomonnaies, les organismes de régulation ainsi que les principales institutions se sont accordés sur la nécessité de mieux encadrer les pratiques sur les marchés des actifs numériques. Alors que l’Union Européenne vient d’adopter le règlement MiCA et que les Etats-Unis appellent de leurs vœux à une régulation mondiale des marchés des crypto-actifs, les autorités de régulation nationales se saisissent du sujet de la publicité sur les actifs numériques.

En effet, l’Autorité des Marchés Financiers (AMF) et l’Autorité de régulation professionnelle de la publicité (ARPP) viennent de signer un partenariat qui définit comme chantier prioritaire « la création d’une recommandation sur les communications portant sur des actifs numériques et offres de jetons ».

Si l’AMF avait déjà affiché son intérêt pour le secteur des actifs numériques au regard de sa mission de protection des épargnants et des investisseurs, les termes du partenariat ciblent les communications des « influenceurs » sur les réseaux sociaux. Ce nouveau chantier prioritaire fait partie d’un programme de travail commun aux deux autorités pour les années 2022 et 2023 qui comprendra notamment « la mise à jour de [la] recommandation générale sur les communications portant sur des produits et services financiers ou d’investissement ».

« Cette feuille de route comprend aussi un volet consacré aux « influenceurs » des réseaux sociaux, dans le domaine de l’investissement. L’ARPP partagera ses connaissances des pratiques et tendances, tirées entre autres de son Observatoire de l’influence responsable, tandis que l’AMF apportera son expertise du secteur des produits financiers et services d’investissement ainsi que des textes en vigueur. Les deux autorités prévoient la création d’un module spécifique au secteur financier du certificat de l’influence responsable lancé en 2021 par l’ARPP, avec l’objectif de présenter de façon pédagogique les bonnes pratiques et les règles s’appliquant dans ce domaine (communication claire, exacte et non trompeuse, en particulier sur les risques, indication du caractère rémunéré de la publication ou des possibles conflits d’intérêts, etc.) », a précisé l’Autorité des Marchés Financiers dans sa communication du 21 juillet 2022.

Vers plus de transparence de la part des influenceurs ?

Si cette annonce intervient dans un contexte de marché plus défavorable qu’il y a quelques mois où le cours de la cryptomonnaie de référence, le bitcoin (BTC), dépassait les 60.000 dollars, les communications des « influenceurs » sur les réseaux sociaux en matière d’investissement financier ne sont pas des pratiques nouvelles. Pour autant, compte tenu du retournement de marché observé ces derniers mois et des potentielles conséquences pour les investisseurs, les autorités entendent promouvoir la transparence ainsi que des bonnes pratiques afin de mieux informer les investisseurs sur les risques éventuels. En particulier, l’AMF et l’ARPP ont pour priorité que les publications des « influenceurs » sur les actifs numériques fassent l’objet d’une « communication claire et non trompeuse qui mentionne les risques, une indication du caractère rémunéré de la publication si c’est le cas, ainsi qu’une mention des conflits d’intérêts ».

« De manière générale, l’AMF encourage les investisseurs à s’informer avant de prendre une décision d’investissement, auprès de sources fiables, et conseille en particulier aux investisseurs novices de se construire progressivement une culture boursière et de se méfier des promesses irréalistes de gains rapides, sans effort et sans risque. Face à la recrudescence des recommandations d’investissement ou recommandations de sites de trading par des influenceurs sur les réseaux sociaux, la Direction des relations avec les épargnants et de leur protection (Drep) de l’AMF appelle à la vigilance : il convient de s’interroger sur les compétences en finance de ces personnes se présentant comme des experts, la sincérité et la nature désintéressée de ces prescriptions, dont le caractère rémunéré n’est pas toujours indiqué clairement », avait déjà précisé l’Autorité des Marchés Financiers dans une précédente communication d'octobre 2021. 

Si le partenariat vise explicitement la communication faite par les « influenceurs » sur les réseaux sociaux, il convient de souligner que selon l’ARPP plus d’un contenu sur quatre manquerait de transparence auprès de leurs abonnés. Face à ce constat, l’ARPP avait créé en 2021 un « certificat de l’influence responsable » afin de favoriser l’adoption de bonnes pratiques.

Les autorités de régulation ne sont pas les seules à appeler à une certaine vigilance à l’égard des publicités implicites pour les crypto-actifs faites par les « influenceurs » sur les réseaux sociaux. La licorne française Ledger, acteur majeur dans l’écosystème des cryptomonnaies, avait déjà dénoncé la pratique du « shilling » de cryptomonnaies.

« Vous pouvez tomber sur une personnalité influente, comme une célébrité qui a activement mis son nom et son soutien derrière un projet. Ils encourageront les investisseurs, nouveaux et anciens, à investir dans le projet sans nécessairement offrir de transparence sur les raisons de leur soutien au projet. Soyez prudent, car il est possible que la célébrité ait été payée pour promouvoir les ventes de la crypto-monnaie et qu'elle n'ait pas de réelle connaissance - ou intérêt - dans le projet », avait déclaré Ledger dans une communication publiée sur son blog.

La France pourrait suivre ainsi l’exemple de l’Espagne, qui encadre déjà la publicité relative aux crypto-actifs sur les médias sociaux pour les influenceurs dépassant les 100.000 abonnés.