Le premier trimestre 2025 a révélé une secousse inattendue pour l'un des piliers de l’investissement mondial. Avec 40 milliards de dollars de pertes, le fonds souverain de la Norvège, Norges Bank, se trouve à un carrefour stratégique. Alors que la volatilité des marchés pousse de nombreux investisseurs institutionnels vers les cryptomonnaies comme alternative de diversification, la Norvège choisit pour l’instant de s’en tenir à des méthodes classiques, alimentant les débats autour de sa position vis-à-vis du bitcoin (BTC).

Le poids de la perte : Une exposition involontaire au bitcoin déjà bien réelle

Norges Bank gère un portefeuille impressionnant de 1 700 milliards de dollars, principalement investi dans des actions, des obligations et de l’immobilier international. Le recul brutal observé au premier trimestre 2025 provient essentiellement de la baisse des valeurs technologiques américaines, secteurs dans lesquels le fonds détient une forte exposition.

Même sans investissement direct, la Norvège est déjà connectée au monde du bitcoin. À travers ses participations dans des sociétés telles que Coinbase, Riot Platforms ou Marathon Digital Holdings, Norges Bank possède indirectement 3 821 BTC, pour une valeur estimée à 356 millions de dollars fin 2024. Ces chiffres soulignent que l’exposition à la volatilité du bitcoin existe, même sans achat volontaire de cryptomonnaies.

Nicolai Tangen, directeur général de Norges Bank, rappelle que la gestion du fonds reste principalement guidée par l’indice FTSE Global All Cap. Ce dernier concentre 65 % de son poids sur des sociétés nord-américaines, ce qui accentue la vulnérabilité du portefeuille face aux fluctuations des marchés américains, et par extension, aux marchés liés aux actifs numériques.

La Norvège pourrait encore snober l'investissement direct en bitcoin

La stratégie de Norges Bank repose sur une prudence historique. Depuis la vente totale de ses réserves d’or en 2004, la Norvège privilégie une exposition diversifiée mais prudente, majoritairement axée sur les marchés financiers classiques. Ce choix de désengagement précoce de l’or, pourtant performant par la suite, illustre une politique d'investissement qui hésite à intégrer des actifs alternatifs.

En l’état actuel, la charte de Norges Bank ne prévoit pas l’acquisition d’ETF Bitcoin ou d'autres formes d'investissements directs en cryptomonnaies. Modifier ce mandat nécessiterait des décisions politiques majeures, peu probables à court terme. Pourtant, d'autres fonds souverains empruntent une voie différente. Mubadala Investments à Abu Dhabi a investi 437 millions de dollars dans l’iShares Bitcoin Trust de BlackRock, tandis que le State of Wisconsin Investment Board détient 321 millions de dollars en ETF Bitcoin spot.

Ces démarches démontrent une reconnaissance croissante du bitcoin comme outil de couverture dans un contexte géopolitique et économique incertain.
Ryan Lee, analyste en chef chez Bitget Research, observe que "le bitcoin continue de bénéficier de son attrait croissant en tant que couverture contre l'incertitude mondiale". L'analyste pointe ainsi du doigt l'opportunité stratégique que représentent ces actifs numériques dans un environnement marqué par les tensions géopolitiques et la volatilité des marchés financiers.

Le modèle d'investissement de la Norvège, longtemps considéré comme une référence de stabilité et de rendement, est aujourd'hui confronté à des dynamiques inédites. Le succès des initiatives étrangères en faveur de l'intégration des actifs numériques pourrait inspirer des réflexions au sein de Norges Bank, même si pour l’instant, la priorité reste la solidité de son portefeuille classique.

À l’heure où l’innovation financière devient un levier stratégique, rester en marge du Bitcoin pourrait s’avérer aussi risqué que d’y plonger tête baissée. Pour la Norvège, le véritable enjeu sera de concilier prudence historique et adaptation aux nouveaux paradigmes économiques.