Alors que l’Europe accélère sur la création d’un euro numérique, la France pourrait bien faire un pas de côté. Une motion parlementaire récemment déposée invite l’État à envisager une voie radicalement différente : bannir les monnaies numériques de banque centrale (CBDC) et constituer des réserves publiques en cryptos, le bitcoin (BTC) en tête. Derrière ce texte, un élu bien connu pour ses positions conservatrices et souverainistes : Éric Ciotti. Décryptage d’un texte qui, s’il est adopté, pourrait redéfinir la stratégie financière de la France à l’ère du Web3.

Une proposition de loi pour interdire l’euro numérique et soutenir les stablecoins

Le député Éric Ciotti, représentant de l’Union de la Droite pour la République, a déposé une motion visant à interdire le déploiement du futur euro numérique en France. Ce texte propose à l’inverse de « promouvoir la diffusion des stablecoins en euro et l’investissement dans les actifs crypto ». M. Ciotti s’inspire directement du modèle américain, où le GENIUS Act (voté en juillet 2025) interdit les CBDC tout en soutenant les stablecoins émis par le secteur privé.

Dans la motion consultée, le député appelle également le gouvernement français à s’éloigner des normes de Bâle 2022 concernant les expositions aux actifs crypto. Il demande que ces règles soient revues afin de « faciliter le nantissement des actifs crypto », tout en appelant à une « refonte substantielle de ces règles au sein du Comité de Bâle ». À ce stade, la motion n’a pas encore été inscrite à l’ordre du jour de l’Assemblée nationale.

2 % de la réserve totale du bitcoin pour la France ?

Bien que le texte ne mentionne pas explicitement la création d’une réserve en bitcoin pour l’État français, plusieurs rapports de presse affirment que l’objectif officieux serait de faire détenir à la France 2 % de l’offre totale de BTC, soit environ 48 milliards de dollars à la date de publication. Cette stratégie ferait écho aux actions récentes des États-Unis, qui construisent progressivement un stock stratégique d’actifs crypto via les saisies judiciaires.

La proposition de Ciotti s’inscrit dans une tendance mondiale : au Bhoutan, un projet de réserve stratégique en crypto est en cours ; au Kirghizistan, les députés envisagent un fonds national adossé aux actifs numériques après des consultations avec Changpeng Zhao, ex-PDG de Binance. Même Washington s’intéresse désormais à l’idée d’un stock fédéral de BTC, renforcé par la récente saisie de 14 milliards de dollars d’actifs numériques.

Si elle venait à être débattue puis adoptée, cette motion pourrait marquer un virage historique dans la doctrine monétaire française. Elle soulève toutefois de nombreuses questions : comment gérer la volatilité inhérente aux cryptos ? Quel cadre légal pour une détention publique de bitcoin ? Quelle compatibilité avec les engagements européens ? Ce texte, encore embryonnaire politiquement, s’impose déjà comme un marqueur idéologique : celui d’une France potentiellement prête à s’émanciper des standards monétaires traditionnels, à rebours des orientations de la Banque centrale européenne.