Alors que les marchés crypto tentent de gagner leurs lettres de noblesse auprès des institutions financières, une opposition de poids vient d’émerger : celle des enseignants américains. Dans une lettre adressée au Sénat, la puissante American Federation of Teachers (AFT) alerte sur les risques que ferait peser un projet de loi crypto sur la sécurité des retraites. Retour sur une prise de position qui pourrait influencer profondément le débat législatif sur les cryptomonnaies aux États-Unis.
Un projet de loi crypto sous le feu des critiques syndicales
Dans une lettre envoyée le lundi 9 décembre aux chefs républicains et démocrates du Comité bancaire du Sénat américain, l’American Federation of Teachers (AFT) a fermement exprimé son opposition à la Responsible Financial Innovation Act, soutenue par des sénateurs comme Cynthia Lummis. Ce texte, présenté comme un prolongement de la CLARITY Act adoptée à la Chambre des représentants, est accusé de présenter des risques profonds pour la stabilité économique et les systèmes de retraite. Le syndicat, qui représente 1,8 million de travailleurs, estime que la loi « fait croire que les actifs cryptos sont stables et courants, alors qu’ils ne le sont pas ».
Plus précisément, l’AFT reproche au projet de ne pas offrir un cadre réglementaire équivalent à celui des autres actifs détenus par les fonds de pension. « La plupart des retraites ne détiennent pas de cryptos à cause de leur risque », peut-on lire dans la lettre. En l’absence de garde-fous clairs, le syndicat craint que les 401(k) et autres plans de retraite traditionnels n’intègrent par défaut des actifs numériques jugés non sûrs, même dans des portefeuilles initialement investis en titres traditionnels.
La fronde s’étend aux grandes centrales syndicales et aux États
L’AFT n’est pas seule à s’inquiéter. En octobre dernier, l’AFL-CIO, la plus grande confédération syndicale des États-Unis, avait déjà adressé une lettre similaire au Comité bancaire du Sénat. Elle y dénonçait une loi susceptible d’accroître l’exposition des travailleurs aux actifs crypto, en autorisant leur inclusion dans des plans de retraite. Une mesure jugée risquée pour la stabilité financière de l’économie américaine, selon leurs termes.
En parallèle, certains États comme le Michigan et le Wisconsin ont déjà une exposition indirecte aux cryptos, via des ETF liés aux actifs numériques intégrés dans leurs fonds publics. À cela s’ajoute l’approche plus agressive de l’exécutif : en août, Donald Trump a signé un décret ordonnant au Département du travail de réévaluer les limitations sur l’inclusion d’actifs alternatifs, dont les cryptos, dans les plans 401(k). Morgan Stanley, de son côté, permet désormais à ses conseillers de recommander certains fonds crypto à leurs clients pour la retraite.
Ces signaux, bien que progressifs, renforcent la crainte des syndicats : celle d’une institutionnalisation rapide et partiellement dérégulée du marché crypto dans les fonds de pension. Il reste à voir si le Sénat donnera suite à ce texte controversé, d’autant qu’une nouvelle version devrait être présentée avant la fin de l’année. Quoi qu’il en soit, le débat illustre la complexité d’une régulation équilibrée des actifs numériques, entre innovation financière, protection des épargnants et réalités politiques.