Selon des experts en cybersécurité, l’absence de régulation, la peur de rater une opportunité (FOMO) et l’adoption croissante des actifs crypto nourrissent un véritable « supercycle » de criminalité dans l’écosystème crypto.

Les pertes liées aux crimes crypto ont atteint un nouveau record au premier semestre 2025, dépassant le précédent pic de 2022. Elles se rapprochent même du total cumulé de toutes les pertes enregistrées sur l’ensemble de l’année 2024.

Les pertes du premier semestre 2025 dépassent déjà celles de toute l’année 2024 Source: TRM Labs 

Interrogé par Cointelegraph, Bill Callahan — ex-agent de la DEA reconverti en enquêteur spécialisé dans les cryptomonnaies — estime que l’absence de cadre réglementaire, combinée au battage médiatique et au FOMO, joue en faveur des acteurs malveillants. Même s’il hésite à parler de « super-cycle », les faits sont là :

« L’explosion rapide de nouveaux actifs crypto, en particulier les memecoins, conjuguée à l’afflux d’investisseurs particuliers et à un encadrement réglementaire encore limité, crée un terrain propice aux activités criminelles : vols, arnaques d’investissement, escroqueries ou fraudes. »

Le rapport risque/récompense favorise les criminels

Selon Callahan, les arnaques crypto séduisent les escrocs en raison de l’anonymat qu’elles offrent et de la facilité avec laquelle elles peuvent être mises en place.

« Il faut garder à l’esprit que ces individus disposent de temps, d’argent et de ressources pour perfectionner leurs techniques. Et surtout, ils n’ont pas besoin d’avoir raison à chaque coup pour engranger de jolis bénéfices. »

D’après le rapport Hack3d publié par CertiK le 1er juillet, la perte moyenne par incident de sécurité en 2025 s’élève à 4,3 millions de dollars. La perte médiane, elle, est de 103 996 dollars.

Natalie Newson, analyste blockchain senior chez CertiK, explique à Cointelegraph qu’une « convergence de facteurs » a renforcé la confiance des cybercriminels.

« Des influenceurs et leaders d’opinion continuent de lancer des tokens aux intentions douteuses, tirant profit de techniques comme le sniping, au détriment des investisseurs particuliers », explique-t-elle.

Selon Solidus Labs, société spécialisée dans la surveillance des marchés, 98,7 % des tokens lancés sur la plateforme Pump.fun présentent des caractéristiques de schémas de type pump-and-dump (gonfler le prix avant de tout revendre).

Dans le même temps, Newson souligne que les forces de l’ordre à travers le monde rencontrent des obstacles croissants : manque de ressources, complexité des juridictions internationales, et sophistication technique des cybercriminels.

Un rapport publié par Chainalysis en juillet 2024 met notamment en avant le blanchiment d’argent comme un défi majeur, tant pour les autorités que pour les plateformes crypto.

« Le résultat est qu’un fossé se creuse entre les activités illicites et les mécanismes de responsabilisation, créant un climat de plus en plus hostile pour les utilisateurs légitimes et les développeurs. »

Newson estime que renforcer la sécurité des smart contracts et mieux éduquer les utilisateurs pourrait inverser la tendance. Mais elle reconnaît qu’il est impossible d’empêcher totalement les activités criminelles.

Les régulateurs ne sont pas assez sévères

De son côté, Hank Huang, PDG de Kronos Research, déplore que les autorités de régulation soient passées d’un excès de zèle à une passivité inquiétante.

Selon lui, les premières mesures d’application de la loi étaient parfois sévères, mais aujourd’hui, l’équilibre penche dans l’autre sens, avec trop peu de comptes à rendre.

« Ce déséquilibre crée un terreau favorable à ce que beaucoup perçoivent comme un super-cycle de criminalité crypto. La solution ne réside pas dans plus de répression, mais dans une régulation intelligente, ciblée et équilibrée, pour continuer à favoriser l’adoption massive. »

Zéro perte, une illusion

En parallèle, les forces de l’ordre internationales multiplient les opérations pour chasser les acteurs malveillants de l’écosystème crypto. Plusieurs actions récentes ont visé des marketplaces actives sur le darknet.

Cependant, pour Huang, même avec une intensification des répressions, espérer atteindre zéro perte liée aux crimes crypto est illusoire. Tant que les marchés décentralisés permettent l’anonymat, ils attireront aussi bien les innovateurs que les criminels.

Au lieu de vouloir éliminer totalement les pertes, il préconise de concentrer les efforts sur la réduction des risques pour les utilisateurs.

« D’autres secteurs sont aussi visés par des attaques, mais la rapidité et l’accessibilité mondiale des cryptos les rendent particulièrement vulnérables. Ces attaques ne visent pas seulement l’écosystème crypto, elles testent surtout les limites des systèmes émergents. »