Le gouvernement turc s’apprête à faire un pas décisif vers un encadrement beaucoup plus strict du secteur des actifs crypto. Dans un contexte de lutte contre le blanchiment d'argent et les activités illicites, une nouvelle loi en préparation pourrait permettre au Masak, l'autorité de lutte contre les crimes financiers, de geler les comptes crypto suspects. Cette initiative reflète la volonté d’Ankara de se conformer aux standards internationaux, notamment ceux du GAFI (FATF). Mais derrière ce durcissement, des enjeux plus larges émergent, entre régulation nécessaire et adoption croissante des cryptos par la population turque.

Le Masak obtient les pleins pouvoirs sur les comptes crypto

Selon Bloomberg, les autorités turques travaillent sur un projet de loi qui étendrait les prérogatives du Masak, lui permettant de geler non seulement les comptes bancaires traditionnels, mais aussi les comptes liés aux actifs crypto. Ce texte viserait à renforcer les efforts de la Turquie contre le blanchiment d’argent et le financement du terrorisme, en conformité avec les recommandations du GAFI (Financial Action Task Force). S’il est adopté, le Masak pourrait aussi imposer des plafonds de transaction, voire interdire certains portefeuilles identifiés comme liés à des activités criminelles.

Un des axes principaux du texte est de lutter contre la pratique des comptes loués, utilisés dans des opérations de fraude ou de jeux d’argent illégaux. Ces comptes, proposés à la location par des particuliers à des groupes criminels, représentent une faille majeure dans la traçabilité des flux financiers. Le projet prévoit également une surveillance accrue des institutions de monnaie électronique et des plateformes crypto opérant sur le sol turc.

Une adoption crypto massive sous surveillance étatique

Au-delà des considérations sécuritaires, ce projet de loi s’inscrit dans un contexte de forte adoption des cryptos par la population turque. Selon Chainalysis, la Turquie figure 14e au classement mondial de l’adoption crypto, un rang notable porté par la croissance des plateformes centralisées et des services institutionnels. Mais ce sont surtout les tensions économiques persistantes qui nourrissent cet engouement : effondrement de la livre turque, inflation galopante, et perte de confiance dans les institutions financières traditionnelles.

Face à cette dynamique, les autorités turques cherchent à reprendre le contrôle sans freiner l’innovation, un équilibre délicat. Le ministère des Finances prépare également des règles imposant aux exchanges crypto de collecter davantage de données sur les transactions, et envisage de restreindre les transferts de stablecoins. En juillet, la Capital Markets Board a déjà bloqué l’accès à plusieurs plateformes non autorisées, dont PancakeSwap, marquant un tournant dans l’attitude des régulateurs.

À terme, cette législation pourrait contribuer à légitimer l’usage des cryptos en Turquie, à condition qu’elle ne bride pas excessivement le secteur. Si la transparence financière s’en trouve renforcée, reste à savoir comment les investisseurs et les acteurs locaux s’adapteront à ce nouveau cadre, plus contraignant mais potentiellement stabilisateur pour l’écosystème.