L’incident massif survenu chez Cloudflare ce mardi a mis en lumière une vulnérabilité majeure : une dépendance encore très forte de nombreux protocoles décentralisés vis-à-vis d'infrastructures centralisées de type Web2. Ce paradoxe soulève une question cruciale : que vaut un protocole décentralisé si son accès repose sur une poignée de prestataires centralisés ? À travers les voix d’acteurs comme EthStorage, Filecoin ou encore Vitalik Buterin, l’écosystème crypto lance un cri d’alarme : la résilience passe par une décentralisation complète, du code à l’interface. Voici les faits et les implications d’un débat brûlant relancé par une panne qui a affecté 20 % du trafic Internet mondial.

Cloudflare, AWS : quand les piliers du Web2 font vaciller le Web3

Le 19 novembre, une importante panne chez Cloudflare a entraîné des interruptions de service pour plusieurs acteurs majeurs de l’écosystème crypto, dont Blockchain.com, Coinbase, BitMEX, Ledger, Toncoin, Arbiscan ou encore DefiLlama. L’impact a été massif : environ 20 % du trafic Internet mondial a été perturbé selon les données du réseau. Un mois plus tôt, un incident similaire chez Amazon Web Services (AWS) avait affecté un nombre comparable de protocoles Web3.

Ces interruptions rappellent que même les protocoles se revendiquant « décentralisés » dépendent souvent de services d’infrastructure centralisés pour leurs interfaces web, leurs appels d’API ou leurs systèmes de nommage (DNS). « Beaucoup de projets crypto reposent encore sur des composants Web2 par commodité ou par habitude », a expliqué un porte-parole d’EthStorage, soulignant que cette centralisation de façade nuit à la résilience des systèmes en cas de point de défaillance unique.

Vers une vraie décentralisation grâce à la crypto

Pour EthStorage, Protocol Labs (via IPFS et Filecoin), ou encore Arweave, la solution réside dans ce qu’ils appellent la « décentralisation de bout en bout » : un modèle qui va au-delà de la blockchain elle-même pour inclure le stockage, l’accès aux données, les interfaces web, les API, les RPC et l’indexation. « La vraie résilience impose de repenser toute la pile technique, pas uniquement la couche blockchain », rappelle EthStorage.

Les raisons de cette dépendance sont multiples : manque de maturité des outils décentralisés, coût perçu, difficulté d’implémentation. « Ces idées reçues sont dépassées », affirme EthStorage. La pression des utilisateurs étant faible sur les couches techniques invisibles, de nombreux projets relèguent la décentralisation à plus tard. Résultat : celle-ci devient « une étape facultative plutôt qu’une exigence fondamentale de conception », avertit l’équipe.

En réponse, les promoteurs de la décentralisation complète encouragent une approche progressive, mais déterminée. « Ce processus n’a pas besoin d’être immédiat, mais les projets doivent intégrer cette vision dans leur feuille de route », affirme EthStorage. Même Vitalik Buterin est monté au créneau dans un manifeste intitulé Trustless Manifesto : « Chaque fois qu’un protocole intègre un nœud hébergé ou un relais centralisé, il compromet sa nature trustless dès le départ ». La leçon est claire : sans décentralisation totale, le Web3 reste à la merci du Web2.