Il y a quatre ans, le Salvador écrivait une page d’histoire en devenant le premier pays au monde à reconnaître le bitcoin (BTC) comme monnaie légale. Une décision audacieuse, portée par le président Nayib Bukele, qui avait alors enflammé la cryptosphère mondiale. Aujourd’hui, alors que le pays célèbre l’anniversaire de cette adoption sans précédent, le bilan est loin d’être unanime. Entre ambition technologique, pressions financières internationales et adoption locale en demi-teinte, retour sur une expérience unique et controversée qui divise autant qu’elle intrigue.

Un anniversaire sous le signe des chiffres : le Salvador revendique ses progrès

Malgré les récentes remises en cause de ses politiques, le Salvador a tenu à célébrer en grande pompe les quatre ans du Bitcoin Day. Dans un message publié sur X, le Bitcoin Office a mis en avant plusieurs réalisations : un stock stratégique de 6 313 BTC, valorisé à plus de 702 millions de dollars, et la certification de 80 000 agents publics à l’usage du bitcoin. Autre point mis en avant : la réforme bancaire récemment adoptée, qui permet désormais à des banques d’investissement crypto de servir des investisseurs qualifiés.

Ces annonces s’inscrivent dans la volonté du gouvernement de montrer que l’expérimentation Bitcoin n’est pas morte, malgré les revers. En effet, si le Salvador a suspendu l’achat de BTC via des fonds publics, ses réserves existantes restent inchangées. Et les autorités assurent que des efforts continuent pour former la population et structurer l’écosystème, même si ces initiatives bénéficient pour l’heure davantage aux institutions qu’aux citoyens.

Entre recul politique et critiques internationales : l’expérience Bitcoin sous pression

Mais derrière les chiffres officiels, la réalité est plus nuancée. En janvier, le pays a officiellement annulé la loi faisant du bitcoin une monnaie légale, dans le cadre d’un accord de prêt de 1,4 milliard de dollars signé avec le FMI. L’une des conditions de cet accord était de ne plus acheter de BTC avec des fonds publics, une décision confirmée dans une lettre d’intention signée par le président de la banque centrale et le ministre des Finances du pays.

Autre recul : l’application Chivo, censée favoriser l’adoption du BTC auprès de la population, a vu le soutien de l’État réduit, faute d’usage significatif. Et plusieurs ONG et acteurs du bitcoin pointent un manque de formation concrète auprès des citoyens. « Les politiques Bitcoin profitent au gouvernement, pas aux habitants », affirment certains critiques. Le faible taux d’adoption du bitcoin dans la vie quotidienne soulève aussi des questions sur la pertinence de cette stratégie de « nation Bitcoin ».

Ce revirement pourrait refléter un changement de paradigme. Pressé par les exigences économiques du FMI, le Salvador semble prioriser la stabilité financière sur l’expérimentation technologique. Mais l’expérience n’est pas terminée pour autant. Si le gouvernement continue à mettre en avant ses actifs et ses initiatives éducatives, c’est désormais dans un cadre beaucoup plus prudent. Le futur du bitcoin au Salvador dépendra autant de la conjoncture économique que de la volonté réelle du pays de redevenir un laboratoire pour la finance décentralisée.