L’effervescence des levées de fonds crypto laisse progressivement place à une nouvelle forme de rationalité. Les investisseurs ne cherchent plus seulement des promesses mais des projets solides, adossés à une adoption mesurable. Le second trimestre 2025 marque un tournant dans les stratégies des fonds de capital-risque, désormais décidés à ne plus jouer les banquiers aveugles du Web3.

Les investisseurs crypto exigent désormais des preuves concrètes

L’enthousiasme débridé des années précédentes s’efface devant une posture plus méthodique. Sylvia To, directrice chez Bullish Capital Management, constate que « les investisseurs sont devenus beaucoup plus prudents ». Selon elle, ils « ne misent plus sur n’importe quel projet qui présente bien sur le papier ». Pour attirer leur attention, un projet doit désormais « répondre à la question : qui l’utilise vraiment ? »

Les critères classiques tels que la technologie ou la vision ne suffisent plus. Les startups sont désormais tenues de présenter des données tangibles comme le volume de transactions, les flux de revenus ou la fidélisation des utilisateurs. Cette exigence nouvelle se reflète dans les chiffres. Entre avril et juin 2025, le secteur crypto a levé 1,97 milliard de dollars répartis sur 378 deals.

Cela représente une chute de 59 % par rapport au trimestre précédent, accompagnée d’une baisse de 15 % du nombre de transactions. Sur l’ensemble du premier semestre, les investissements atteignent un total de 10,03 milliards de dollars, mais la dynamique reste clairement en recul.

Pour Sylvia To, certaines valorisations observées ces derniers mois « n’étaient tout simplement pas justifiées », en raison de l’absence de fondamentaux solides. L’époque des levées de fonds sur simple promesse semble donc révolue.

Modèles pérennes et ancrage institutionnel deviennent prioritaires

Cette prudence croissante traduit un changement plus profond des standards dans l’écosystème crypto. Eva Oberholzer, directrice des investissements chez Ajna Capital, estime que les projets qui retiennent l’attention des fonds sont « ceux capables de générer des revenus prévisibles et de démontrer une adoption irréversible ». Elle précise que « l’intégration dans des usages institutionnels constitue aujourd’hui un signal de confiance fort ».

Ce recentrage transforme radicalement la manière d’évaluer les projets. Un concept séduisant ne suffit plus. Les porteurs de projet doivent démontrer leur insertion dans un marché réel et leur capacité à croître sur la base d’indicateurs solides. L’adoption par des acteurs institutionnels, souvent gage de stabilité, devient un élément central.

Pour réussir, les fondateurs doivent ajuster leur stratégie. Il leur faut présenter des résultats concrets dès les premières phases, bâtir un modèle économique structuré et orienter leur communication vers l’utilité réelle plutôt que vers la simple innovation technologique.

Dans ce contexte marqué par une sélection plus stricte, seuls les projets capables de prouver leur valeur sur le terrain parviendront à se financer durablement. Les autres devront revoir leurs ambitions ou quitter la scène.