L’évolution du regard des géants de la finance sur le bitcoin (BTC) n’est plus une hypothèse : elle se confirme en direct, au plus haut niveau. Larry Fink, PDG de BlackRock a surpris hier en qualifiant le bitcoin « d’actif de la peur », tout en revenant sur son virage stratégique spectaculaire concernant les cryptomonnaies. Huit ans après avoir dénoncé le bitcoin comme un simple outil de blanchiment d’argent, le patron de BlackRock dirige aujourd’hui un des plus importants ETF Bitcoin au monde. Ce changement de posture marque-t-il un tournant définitif dans la relation entre Wall Street et la crypto ?

Du rejet à l’adoption : un virage assumé en faveur du bitcoin

Lors de son intervention au DealBook Summit mercredi, Larry Fink a reconnu un « gros changement » dans sa perception du bitcoin et des cryptos. En 2017, il déclarait que la cryptomonnaie « montrait à quel point la demande pour le blanchiment d’argent est forte dans le monde ». Huit ans plus tard, il admet que ce jugement était incomplet : « Ma façon de penser évolue constamment », a-t-il expliqué face au journaliste Andrew Ross Sorkin.

Ce revirement public n’est pas anodin : BlackRock gère désormais des milliards de dollars d’exposition au BTC, malgré la volatilité de l’actif. Ce changement de cap s’inscrit dans une dynamique plus large d’institutionnalisation du bitcoin, alors que des acteurs majeurs comme Fidelity, Grayscale ou ARK Invest multiplient les initiatives sur les ETF. Le lancement de l’IBIT illustre l’alignement croissant des outils traditionnels de la finance avec l’univers crypto, un mouvement jadis impensable au sein de firmes comme BlackRock.

Un actif de peur dans un monde incertain

Mais Larry Fink n’a pas pour autant versé dans l’enthousiasme aveugle. Devant le public du DealBook Summit, il a tempéré son positionnement, en qualifiant le bitcoin « d’actif de la peur ». Selon lui, son cours fluctue fortement en fonction des tensions géopolitiques : il a cité la fin possible de la guerre en Ukraine ou un accord commercial entre les États-Unis et la Chine comme exemples ayant fait chuter le prix du BTC.

« Si vous achetez du bitcoin pour faire du trading, c’est un actif très volatil. Il faut vraiment être très bon en timing de marché, ce que peu de gens sont », a-t-il prévenu. Ces propos nuancés interviennent alors que l’ETF IBIT de BlackRock a connu des sorties nettes de plus de 2,3 milliards de dollars en novembre, avec des pics de retraits de 463 millions le 14 novembre, puis 523 millions le 18. Des chiffres qui rappellent que l’engouement institutionnel pour le bitcoin n’est ni linéaire, ni garanti.

Le virage opéré par Larry Fink illustre à quel point la perception institutionnelle du bitcoin a évolué, mais aussi combien elle reste fragile et soumise aux vents contraires du marché et de la géopolitique. En qualifiant le bitcoin « d’actif de la peur », le patron de BlackRock envoie un double signal : d’un côté, une validation partielle de l’utilité de BTC comme valeur refuge dans un monde instable ; de l’autre, un avertissement sur sa volatilité et les illusions de profit rapide. Cette posture ambivalente reflète celle de nombreux acteurs de la finance traditionnelle, encore tiraillés entre adoption stratégique et prudence tactique.