Alors que le secteur financier traditionnel tâtonne dans sa transition vers le numérique, BlackRock, géant mondial de la gestion d’actifs, opère un virage stratégique que beaucoup n’avaient pas vu venir. Le mastodonte de Wall Street entend jouer un rôle central dans la crypto via la tokenisation des actifs. Il s’agit là d’une mutation majeure que son PDG, Larry Fink, qualifie déjà de « prochaine grande vague » pour la finance mondiale.

BlackRock veut digitaliser les ETF et capter les investisseurs crypto

Interrogé par CNBC lors de l’émission Squawk on the Street, le PDG de BlackRock a exposé sa vision : « Si nous pouvons tokeniser un ETF, le numériser, alors nous pouvons faire entrer dans les marchés traditionnels des investisseurs qui ont commencé par la crypto ». Le PDG n’a laissé aucun doute : la stratégie de la firme consiste désormais à répliquer les actifs traditionnels sous forme digitale, afin d’attirer les utilisateurs crypto vers des produits d’investissement de long terme.

BlackRock, qui gère 13 500 milliards de dollars d’actifs — dont 104 milliards en crypto, soit environ 1 % de son portefeuille —, a déjà concrétisé cette stratégie. Le fonds BUIDL (BlackRock USD Institutional Digital Liquidity Fund), lancé en mars 2024, est aujourd’hui le plus gros fonds de marché monétaire tokenisé, avec 2,8 milliards de dollars d’encours. Une incursion qui ne s’arrête pas là : Fink a affirmé que « plusieurs équipes au sein de BlackRock travaillent déjà sur des projets de tokenisation à plus grande échelle ».

Tokenisation : Un marché balbutiant, mais au potentiel colossal

Si l’enthousiasme de BlackRock est manifeste, Larry Fink reconnaît que la tokenisation reste embryonnaire. « Je pense que nous ne sommes qu’au début de la tokenisation de tous les actifs, qu’il s’agisse de l’immobilier, des actions ou des obligations », a-t-il déclaré, évoquant un potentiel transsectoriel. Ce segment de la crypto est estimé à 2 000 milliards de dollars en 2025 selon Mordor Intelligence, mais pourrait atteindre plus de 13 000 milliards d’ici 2030. Cette évolution est aussi symbolique d’un revirement personnel.

En 2017, Fink qualifiait la crypto de « vecteur de blanchiment d’argent » et affirmait l’année suivante que ses clients n’avaient aucun intérêt pour le secteur. En 2024, il déclare sur CBS que « la crypto a un rôle à jouer dans un portefeuille diversifié, au même titre que l’or ». Il nuance cependant : « Ce n’est pas un mauvais actif, mais je ne pense pas qu’il doive représenter une part importante du portefeuille ». Cette volte-face illustre bien la transformation de la perception institutionnelle vis-à-vis des actifs crypto.

La stratégie de BlackRock pourrait faire boule de neige dans l’industrie crypto, en particulier si la SEC accède à la demande de Fink d’« approuver rapidement » la tokenisation d’obligations et d’actions. Si cela se concrétise, les barrières réglementaires tomberaient, ouvrant potentiellement la voie à une adoption institutionnelle de masse. Dans ce contexte, la transition de la finance vers un modèle tokenisé ne semble plus être une simple hypothèse… mais un chantier désormais engagé.