L’affaire Do Kwon marque un tournant brutal pour l’industrie crypto, déjà secouée par une série de scandales. Avec une peine de 15 ans de prison prononcée aux États-Unis, l’un des visages les plus controversés du secteur tombe à son tour. Ce verdict, hautement symbolique, vient clore un chapitre douloureux pour les 16 500 victimes du crash de Terraform Labs en 2022, et alimente les débats sur l’impunité dans le Web3. Retour sur une décision de justice lourde de sens, ses fondements, et les conséquences à venir.
Une fraude crypto d’une gravité inhabituelle
Lors d’une audience tenue jeudi au tribunal fédéral du district sud de New York, le juge Paul Engelmayer a condamné Do Kwon à 15 ans de prison après qu’il a plaidé coupable de fraude électronique et conspiration en vue de commettre une fraude. Ce verdict intervient après l’effondrement de Terraform Labs, qui avait effacé près de 40 milliards de dollars de valeur du marché crypto en 2022. « Votre fraude a été d’une gravité inhabituelle », a déclaré le juge, ajoutant que « sans ce plaidoyer de culpabilité, la peine aurait été plus sévère ».
Les procureurs américains avaient recommandé une peine de 12 ans, jugée déraisonnable par Engelmayer, tandis que les avocats de Kwon plaidaient pour 5 ans, une demande qualifiée « d’irréaliste au point d’exiger une annulation en appel ». Le juge a insisté sur la nécessité de neutraliser Kwon : « Vous avez été mordu par le virus crypto. Et je ne pense pas que cela ait changé ». Kwon bénéficiera d’un crédit de 17 mois pour la détention avant extradition, mais pourrait être extradé en Corée du Sud au bout de 7,5 ans, où il risque jusqu’à 40 années de prison supplémentaires.
Des victimes ruinées et une responsabilité minimisée
Avant la sentence, le tribunal a donné la parole à six victimes du crash de Terraform, sur les 16 500 identifiées dans le cadre de la procédure de faillite. Leurs témoignages, relayés par Inner City Press, illustrent la violence des pertes subies. « J’ai vendu mon appartement à Moscou pour investir avec Do Kwon », a témoigné Tatiana Dontsova. « 81 000 $ sont devenus 13 $ dans ma main. Je suis désormais sans domicile ». Pour les plaignants, la relance du projet sous le nom de Luna 2 (LUNC) illustre le refus de Kwon « d’assumer ses responsabilités ».
Le juge a lui-même dénoncé un abus de confiance fondamental, estimant que « les investisseurs prenaient un risque, certes, mais pas celui d’être victimes d’une fraude ». Il a évoqué une « trahison de la confiance » qui rend les actes de Kwon « particulièrement méprisables ». La possibilité d’une extradition vers la Corée du Sud, où une seconde procédure est en cours, laisse entrevoir un enchaînement judiciaire encore long.
Alors que d'autres figures de la crypto comme Sam Bankman-Fried (25 ans), Alex Mashinsky (12 ans) ou Changpeng Zhao (4 mois, puis gracié) ont déjà été jugées ou condamnées, ce nouveau chapitre judiciaire pose la question des réformes réglementaires à venir. Dans un écosystème qui se construit souvent en marge, la justice semble vouloir désormais frapper fort et durablement.