Alors que l’industrie crypto évolue à vitesse fulgurante, attirant investisseurs institutionnels, régulateurs et multinationales, certains de ses pionniers tirent la sonnette d’alarme. C’est le cas de Vitalik Buterin. Lors de son intervention très attendue à la conférence EthCC à Bruxelles, le cofondateur d’Ethereum a livré un discours incisif qui tranche avec l’optimisme ambiant. Buterin appelle la communauté à un retour aux fondamentaux : la liberté individuelle, l’émancipation sociale et la résistance à la censure. Une prise de parole qui sonne comme un avertissement : à vouloir trop séduire les puissants, l’écosystème Web3 pourrait bien trahir ses idéaux fondateurs.

Ne trahissez pas le cypherpunk qui sommeille en vous

Dans son discours prononcé à EthCC, Vitalik Buterin a exprimé une profonde inquiétude : selon lui, une partie de l’écosystème crypto est en train de se déconnecter de sa mission originelle. « Si vous construisez quelque chose, la première question à se poser est : est-ce que cela rend vos utilisateurs plus libres ? », a-t-il lancé à un auditoire attentif. Comparant les promesses de liberté des débuts d’internet dans les années 1990 à la situation actuelle du Web3, il a dénoncé la dérive vers des jardins clos semblables à ceux du Web2, dominés par la censure et les logiques commerciales. Il a notamment rappelé que les géants du Web, aujourd’hui critiqués pour leurs politiques de modération, se présentaient autrefois comme des défenseurs de la liberté.

Buterin a appelé les développeurs à réfléchir aux « implications sociales et morales » des outils qu’ils construisent. Il a critiqué une tendance à l’obsession technologique au détriment du sens : « Les gens qui travaillent sur la cryptographie doivent penser plus activement à la cryptographie comme quelque chose qui a des implications sociales et morales. » Pour lui, la technologie blockchain ne doit pas devenir un gadget sophistiqué pour banquiers en costume-cravate, mais rester un outil d’émancipation accessible et porteur de sens.

Les suitcoiners, menace ou mutation nécessaire ?

Au-delà de la critique morale, Vitalik Buterin a ciblé un phénomène très concret : la montée en puissance des acteurs institutionnels dans l’écosystème crypto. Il a évoqué une fracture grandissante entre deux visions du Web3 : d’un côté, les cypherpunks, défenseurs acharnés de la vie privée, de la décentralisation et de l’auto-souveraineté ; de l’autre, les suitcoiners, ces entreprises et institutions qui cherchent à capter la valeur de la blockchain tout en imposant leurs propres règles.

Cette opposition, bien réelle, soulève des questions cruciales : la croissance et l’adoption de masse de la crypto peuvent-elles se faire sans compromis ? Les cypherpunks doivent-ils accepter de voir leur rêve dilué dans le pragmatisme des marchés financiers ? L’entrée des banques et États dans le jeu blockchain est-elle une trahison… ou une évolution inévitable ? Buterin, lui, n’a pas tranché. Mais son discours invite clairement à la vigilance, voire à une forme de résistance intellectuelle et morale pour préserver l’essence du Web3.

En conclusion, cette intervention de Buterin ne se résume pas à un appel nostalgique à l’endroit de l’industrie crypto. C’est une mise en garde stratégique : si le Web3 cesse de servir la liberté individuelle, il risque de répéter les erreurs du Web2. Et cette fois, le désenchantement pourrait être bien plus profond.