Entre risque monétaire et croissance incontrôlée, la BCE tire enfin la sonnette d’alarme. Le gouverneur de la Banque centrale des Pays-Bas, Olaf Sleijpen, vient de mettre en garde contre les conséquences systémiques que pourrait provoquer l’effondrement des stablecoins. Ces actifs crypto adossés au dollar, désormais omniprésents sur les marchés, menacent de plus en plus la stabilité économique du Vieux Continent. Dans un contexte de croissance explosive de leur capitalisation et face à une BCE qui peine à trouver une réponse coordonnée, la question devient urgente : l’Europe est-elle prête pour un choc provoqué par des monnaies numériques privées ?
Les stablecoins face à la BCE : une montée en puissance sous haute tension
Dans une interview accordée au Financial Times, Olaf Sleijpen, gouverneur de la banque centrale néerlandaise, a alerté sur la montée en puissance des stablecoins adossés au dollar. Il a déclaré : « Si les stablecoins ne sont pas si stables, vous pourriez vous retrouver dans une situation où les actifs sous-jacents doivent être vendus rapidement. », mettant en lumière le risque de liquidation brutale des réserves, avec des répercussions en chaîne sur les marchés. Selon lui, une telle situation pourrait obliger la BCE à « repenser sa politique monétaire », bien que la nature précise des ajustements demeure incertaine.
Cette inquiétude n’est pas anodine : la capitalisation du marché des stablecoins atteint aujourd’hui 310 milliards de dollars, en hausse de 50 % depuis début 2024. Le Tether (USDT) seul a vu sa valorisation grimper de 127 à 183 milliards, soit un bond de 44 %. Quant à l’USDC, il a doublé de volume, passant de 37 à 74 milliards de dollars. Des chiffres vertigineux qui soulèvent une nouvelle problématique : ces monnaies numériques privées, bien qu’utiles dans l’écosystème crypto, pourraient bien devenir une menace macroéconomique si leur croissance échappe à tout contrôle réglementaire.
La réponse européenne se cherche encore face à cette menace crypto
Les propos d’Olaf Sleijpen résonnent avec les préoccupations plus larges au sein de la BCE. En avril dernier, Piero Cipollone, membre du directoire, défendait l’idée qu’un euro numérique pourrait « préserver la souveraineté monétaire » face à l’omniprésence croissante des stablecoins en dollars. De son côté, Giancarlo Giorgetti, ministre italien de l’Économie, jugeait que ces actifs crypto représentaient une menace plus grande que les droits de douane pour la stabilité financière européenne.
Au-delà de la régulation, c’est la résilience du système financier qui est en jeu. Sleijpen craint que des ventes massives de réserves par des émetteurs de stablecoins, en cas de perte de confiance, ne déclenchent un effet de contagion sur les conditions de liquidité, les prix des actifs et même l’inflation. Ce scénario n’est pas théorique : en septembre, l’économiste Jean Tirole évoquait le risque de plans de sauvetage à plusieurs milliards de dollars si ces instruments venaient à s’effondrer, soulignant la complexité du dilemme auquel sont confrontées les banques centrales.
Face à l’expansion fulgurante de ces actifs crypto et l’absence d’une riposte unifiée, l’Union européenne pourrait se retrouver démunie en cas de crise. Si les stablecoins continuent à gagner du terrain sans encadrement clair, ils pourraient bien devenir les détonateurs d’un choc monétaire majeur sur le continent. L’année 2025 s’annonce déjà comme un tournant critique pour la souveraineté économique de l’Europe.