L’affaire Roman Storm ne se limite pas à un simple verdict : elle soulève des questions fondamentales sur la responsabilité pénale des développeurs open source dans l’écosystème crypto. Cofondateur de Tornado Cash, un protocole de mixage controversé, Storm vient d’être reconnu coupable de conspiration pour exploitation d’un service de transfert d’argent non agréé, après un procès de trois semaines à New York. Alors que le jury est resté divisé sur les deux autres chefs, ce jugement partiel marque une étape cruciale. Voici ce qu’il faut retenir.
Un seul chef retenu, mais la menace de la prison plane
Le 7 août, un jury fédéral de Manhattan a reconnu Roman Storm coupable de conspiration pour avoir exploité un service de transmission d’argent sans licence – en l’occurrence, le protocole de mixage crypto Tornado Cash. Cette infraction fédérale pourrait lui valoir jusqu’à cinq ans d’emprisonnement. En revanche, aucun consensus n’a été trouvé sur deux autres chefs d’accusation majeurs : la conspiration en vue de blanchir de l'argent et la violation présumée des sanctions américaines contre la Corée du Nord, provoquant une impasse du jury après quatre jours de délibérations. Le juge a alors exhorté les jurés à parvenir à une décision unanime, sans succès.
Selon les documents d'Inner City Press, la procureure a soutenu que Storm avait la capacité technique d'empêcher l'utilisation criminelle du protocole et avait choisi de ne pas agir. Plusieurs témoins à charge, issus notamment du FBI, de l’IRS et même du milieu des hackers, ont témoigné en ce sens. La défense, quant à elle, s’est appuyée sur des figures majeures de l’écosystème comme Preston Van Loon, développeur Ethereum, et Matthew Edman, cofondateur de NAXO, pour démontrer que Storm n’avait ni le contrôle du protocole ni l’intention criminelle alléguée.
Un procès à forte résonance dans la communauté crypto
Depuis son inculpation en août 2023, Roman Storm clame son innocence. Libéré sous caution, il a reçu un soutien massif de la communauté crypto. Un fonds de défense de plus de 3 millions de dollars a été constitué pour financer ses frais juridiques, avec des contributions notables de Vitalik Buterin, du fondateur de Paradigm Matt Huang, et même de la Fondation Ethereum. Ce soutien témoigne de l’inquiétude croissante parmi les développeurs quant à la criminalisation du code et à la possible instrumentalisation judiciaire de l’open source.
Le juge Katherine Failla a précisé, lors du procès, qu’elle surveillait de près les autres affaires crypto jugées dans son district, notamment celles de Sam Bankman-Fried (FTX), Nathaniel Chastain (OpenSea) et Karl Greenwood (OneCoin) — tous trois condamnés à des peines de prison. Même si la date de la condamnation de Storm n’a pas encore été fixée, l’affaire s’inscrit dans une tendance plus large de judiciarisation de l’industrie crypto aux États-Unis.
Ce verdict partiel pourrait bien établir un précédent juridique dangereux, en faisant peser une épée de Damoclès sur les développeurs d’applications décentralisées. L’issue du procès, bien que partielle, pourrait renforcer la peur d’un climat répressif. Reste à savoir si ce jugement provoquera un effet de refroidissement sur l’innovation dans l’écosystème crypto.