Les lignes bougent à Washington. Après des années de confrontation avec l’industrie crypto, la Securities and Exchange Commission (SEC) des Etats-Unis opère un tournant stratégique. Plutôt que de multiplier les sanctions, l’autorité des marchés financiers américains choisit désormais le dialogue. Une série de quatre tables rondes publiques, prévues d’avril à juin 2025, vise à repenser la régulation du trading, de la conservation, de la tokenisation et de la DeFi. Pour les acteurs du secteur, c’est peut-être le début d’un rééquilibrage attendu entre innovation et sécurité juridique.
La SEC ouvre le débat sur le trading, la conservation, la tokenisation et la DeFi
Sous l’impulsion de Mark Uyeda, président par intérim de la SEC, une série de consultations publiques se tiendra entre avril et juin 2025. Quatre grandes thématiques seront abordées : le trading d’actifs numériques, la garde des cryptoactifs, la tokenisation et le transfert on-chain d’actifs, ainsi que la finance décentralisée (DeFi).
La première table ronde, organisée le 21 mars, a posé les bases en revenant sur la définition du statut juridique des actifs numériques. À partir du 11 avril, chaque session se concentrera sur un domaine spécifique, avec des experts conviés à échanger en direct, soit au siège de la SEC à Washington, soit en ligne.
Hester Peirce, commissaire à la SEC et responsable de la Crypto Task Force, souligne la vocation constructive de l’initiative : « Ces tables rondes sont l’occasion d’entendre des discussions animées sur les enjeux réglementaires et sur ce que la Commission peut faire pour les résoudre. »
Ce format interactif alimente un optimisme prudent sur les marchés, selon Ryan Lee, analyste en chef chez Bitget Research. Pour lui, ces tables rondes marquent un glissement stratégique de la SEC « des tactiques de mise en application vers le dialogue », en cohérence avec une dynamique politique américaine plus favorable aux cryptomonnaies. Il note cependant que la confiance du marché dépendra de résultats tangibles.
Une stratégie de désescalade après l’ère Gensler
Ce mouvement d’ouverture contraste avec la ligne dure tenue sous l’administration précédente. Ancien président de la SEC, Gary Gensler avait multiplié les actions coercitives à l’encontre des entreprises crypto, parfois perçues comme arbitraires ou déconnectées des réalités techniques.
Depuis sa démission le 20 janvier 2025, son successeur Mark Uyeda a initié un changement de cap. Plusieurs procédures engagées contre des firmes crypto ont été abandonnées, et des projets réglementaires controversés sont en révision. Parmi eux, une proposition visant à renforcer les exigences de garde des cryptoactifs par les conseillers financiers, et une autre qui aurait imposé aux plateformes crypto de s’enregistrer comme des exchanges.
Ryan Lee rappelle que « le mandat de protection des investisseurs de la SEC, la résistance interne et la complexité de la réglementation des divers actifs numériques » pourraient freiner l’ampleur du changement. Les discussions en cours sont perçues comme une chance de clarifier le statut des titres, condition essentielle pour favoriser l’adoption institutionnelle. Mais à défaut d’avancées concrètes, le risque demeure de voir l’innovation se déplacer vers d’autres juridictions plus souples.
En amorçant ce dialogue structuré, la SEC cherche à redéfinir sa posture vis-à-vis d’un écosystème qu’elle a longtemps combattu. Si ces consultations débouchent sur des propositions concrètes et équilibrées, elles pourraient marquer le début d’une ère plus collaborative entre régulateurs et innovateurs. À l’inverse, un encadrement trop flou ou restrictif pourrait provoquer des mouvements de marché et de nouvelles vagues de volatilité. Le prochain cycle réglementaire pourrait bien se jouer sur la capacité de la SEC à transformer les échanges en actions.