À quelques jours d’un vote déterminant sur la structure du marché des actifs numériques aux États-Unis, une audience parlementaire a tourné à l’affrontement politique. Ce qui devait être un débat sur l’encadrement des cryptomonnaies s’est transformé en règlement de comptes entre démocrates et républicains, sur fond d’accusations visant Donald Trump.

Une audition houleuse marquée par des accusations envers Donald Trump

Le 6 juin, la commission des services financiers de la Chambre des représentants s’est réunie pour une nouvelle session consacrée aux enjeux de la régulation crypto. Au cœur du débat, le projet de loi CLARITY Act, qui vise à clarifier le cadre réglementaire des actifs numériques. Toutefois, l’audition organisée par les démocrates a rapidement dérapé vers des querelles partisanes. Ces derniers ont dénoncé un projet législatif potentiellement favorable à Donald Trump, accusé d’exploiter sa fonction présidentielle pour tirer profit de l'industrie crypto.

En réponse, les républicains ont balayé ces accusations d’un revers de main, dénonçant une « théâtralisation politique ». Bryan Steil, républicain et président de la commission dédiée aux actifs numériques, a utilisé l’expression « Trump derangement syndrome » pour minimiser les critiques ciblant Trump. Cette expression, courante chez les soutiens de Trump, désigne une réaction jugée excessive et obsessionnelle contre l’ancien président.

Stephen Lynch, démocrate, a vivement critiqué cette posture républicaine : « Mes collègues républicains refusent de reconnaître la corruption crypto de Trump. Ils bloquent ainsi l’adoption de ce texte, par peur de la réaction du président ». Cette guerre des mots illustre les fortes divisions partisanes qui paralysent les débats, alors même que le texte CLARITY doit être voté sous peu.

Maxine Waters avait d’ailleurs déposé un projet de loi parallèle visant à interdire aux présidents, vice-présidents, membres du Congrès et à leurs familles toute interaction avec les cryptomonnaies, après que Trump a organisé un dîner pour ses détenteurs de memecoin fin mai.

Un cadre réglementaire fragilisé par des départs imminents dans les agences de contrôle

Au-delà du volet politique, les discussions ont mis en lumière une autre difficulté majeure : la fragilité des autorités de régulation financière. Amanda Fischer, directrice de Better Markets et témoin lors de l’audition, a souligné la situation préoccupante au sein de la SEC ( Securities and Exchange Commission ) et de la CFTC ( Commodity Futures Trading Commission ).

Plusieurs commissaires de ces agences, nommés sous l’administration Trump, s’apprêtent à partir ou ont déjà annoncé leur départ. Par exemple, Caroline Pham et Kristin Johnson quitteront bientôt la CFTC, ce qui pourrait réduire le collège à un seul membre. De même, la présidente du groupe crypto de la SEC, Hester Peirce, a vu son mandat expirer le 5 juin, alors qu’aucun remplaçant n’a encore été confirmé.

Ces départs risquent de déséquilibrer la composition des commissions, actuellement majoritairement républicaines, alors même que la loi impose une représentation bipartite. Le Sénat doit auditionner le 10 juin la candidature de Brian Quintenz à la présidence de la CFTC, une nomination qui pourrait bouleverser la gouvernance de l’agence.

Cette instabilité institutionnelle pourrait compliquer la mise en œuvre des nouvelles règles envisagées dans le projet CLARITY, qui doit définir précisément les rôles respectifs de la SEC et de la CFTC dans la régulation des actifs numériques.

Vers un vote incertain dans un contexte de forte polarisation

Le projet de loi CLARITY doit être soumis au vote au Congrès autour du 10 juin. Toutefois, les dissensions restent fortes. Les démocrates peinent à convaincre une majorité, notamment au sein de leur propre camp, tandis que les républicains restent divisés entre défenseurs de Trump et partisans d’une régulation plus ferme. La focalisation sur les accusations contre Donald Trump, ainsi que les appels à des interdictions spécifiques comme celles proposées par Maxine Waters, compliquent les discussions.

Par ailleurs, le vide laissé par les départs à la SEC et à la CFTC crée un contexte réglementaire incertain, qui pourrait retarder ou modifier le contenu du texte. Si le projet CLARITY est adopté dans sa forme actuelle, certains craignent qu’il ne réponde pas pleinement aux enjeux de transparence et d’intégrité du marché crypto. À l’inverse, un blocage prolongé pourrait maintenir les cryptomonnaies dans une zone grise juridique, avec des risques accrus pour les investisseurs et le marché.

L’audition du 6 juin illustre à quel point la régulation des cryptomonnaies aux États-Unis est prise dans un bras de fer politique intense. Entre accusations contre l’ancien président Trump et instabilité des agences fédérales, le projet CLARITY peine à avancer sereinement. Cette impasse pourrait retarder la mise en place d’un cadre clair et équilibré, pourtant nécessaire pour sécuriser le marché et protéger les investisseurs. Dans ce contexte, l’avenir de la régulation crypto dépendra autant des compromis politiques que de la capacité des institutions à assurer leur mission malgré les départs en chaîne.