Une bataille parlementaire sous tension se joue à Washington, alors que les sénateurs américains s'affrontent sur une série d'amendements susceptibles de redessiner la fiscalité crypto du pays. Derrière ce marathon législatif se cache un projet de loi titanesque soutenu par Donald Trump surnommé le One Big Beautiful Bill. Son adoption pourrait bouleverser à la fois les équilibres budgétaires et l’avenir réglementaire des actifs crypto.
Une tentative de respiration fiscale pour les utilisateurs crypto
Républicaine et fervente défenseure des actifs numériques, la sénatrice Cynthia Lummis a présenté un amendement visant à mettre fin au traitement fiscal injuste des actifs crypto. Selon elle, « les mineurs et les stakers sont imposés deux fois : une première fois lorsqu’ils reçoivent leurs récompenses de bloc, puis à nouveau lors de leur revente ». L’amendement prévoit notamment une exonération fiscale pour les transactions crypto inférieures à 300 $, dans la limite annuelle de 5 000 $, une mesure qui s’appliquerait également aux stablecoins. D’après une note explicative de son bureau, les revenus issus d’airdrops, du staking ou du minage ne seraient imposables qu’au moment de leur vente, et non à la réception.
Autre mesure phare : l'application de la règle de wash sale sur les actifs crypto. Concrètement, cela empêcherait un investisseur de vendre un actif à perte pour des raisons fiscales, puis de le racheter dans un délai de 30 jours, une règle déjà bien connue dans les marchés boursiers traditionnels. Avec ce dispositif, Lummis entend aligner les actifs crypto sur le traitement des autres produits financiers, tout en offrant une bouffée d’oxygène fiscale à l’écosystème. À noter que l’ensemble de ces propositions étaient encore en débat au moment de la publication, après 17 heures de délibérations intenses.
Rejet d’un amendement démocrate jugé trop répressif
Alors que les républicains tentaient d’alléger la fiscalité des cryptos, les démocrates ont proposé un amendement de nature plus restrictive, visant à interdire aux responsables publics de posséder ou promouvoir des actifs crypto. Portée par Jeff Merkley, Elizabeth Warren et Jack Reed, la mesure aurait aussi concerné les anciens employés spéciaux du gouvernement comme Elon Musk, jusqu’à un an après leur mandat. Cet amendement a été rejeté au Sénat, en partie grâce à l’opposition de Lummis, qui a déclaré qu’une telle mesure aurait « infligé de graves dommages à l’innovation américaine ».
Ce rejet n’a pas apaisé les tensions politiques : Elon Musk, autrefois allié de Trump, a vivement réagi sur X (ex-Twitter), promettant de fonder un nouveau parti politique, baptisé America Party, si la loi était adoptée. Qualifiant le texte de « monstruosité répugnante », Musk a aussi menacé de faire chuter les élus ayant soutenu ce projet en contradiction avec leurs promesses de rigueur budgétaire. Selon les estimations, le plan de dépenses lié au Big Beautiful Bill devrait gonfler la dette nationale de 3 300 milliards de dollars sur dix ans.
À l’intersection de la fiscalité crypto et des luttes de pouvoir politiques, ces amendements reflètent deux visions irréconciliables. D’un côté, nous avons la volonté de normaliser et intégrer les actifs numériques dans le paysage fiscal ; de l’autre, une méfiance persistante envers leur usage et leur influence. Alors que Trump espère voir son projet adopté d’ici le 4 juillet, le débat autour de ces clauses crypto semble loin d’être clos. Une chose est certaine : leur traitement à la hâte soulève des questions sur la place réelle que les États-Unis souhaitent accorder à l’innovation blockchain dans leur avenir économique.