La guerre des puces IA entre la Chine et les États-Unis franchit une nouvelle étape. Huawei s’apprête à tester l’Ascend 910D, une puce conçue pour rivaliser avec le H100 de Nvidia, en pleine montée des tensions commerciales. Derrière cette annonce technologique se cache une ambition bien plus vaste : renforcer l’autonomie stratégique chinoise dans le domaine de l’intelligence artificielle. Décryptage.
Huawei dévoile l’Ascend 910D : Une offensive frontale contre Nvidia
Huawei aurait récemment contacté plusieurs entreprises technologiques chinoises afin de leur proposer de tester un nouveau processeur IA dont la sortie est prévue pour fin mai 2024 selon le Wall Street Journal. Le développement en est encore à ses débuts, mais Huawei affiche une ambition claire : faire de cette puce un concurrent direct, voire supérieur, au H100 de Nvidia, processeur-phare de l'entraînement des modèles d’intelligence artificielle. La firme de Shenzhen semble ainsi vouloir positionner ce modèle comme le fleuron de son architecture Ascend, en misant sur une puissance brute accrue.
En parallèle, Huawei prévoit l’envoi de plus de 800 000 unités de ses modèles précédents, les Ascend 910B et 910C, à divers clients chinois, qu’il s’agisse d’opérateurs télécoms publics ou d’acteurs privés tels que ByteDance, la maison-mère de TikTok. La société ne semble pas chercher uniquement à produire une puce plus performante individuellement, mais à construire des systèmes distribués plus efficaces. Un exemple concret ? La plateforme CloudMatrix 384, dévoilée en avril, qui connecte des puces Ascend 910C en réseau, afin d’optimiser la puissance de calcul collective, plutôt que celle de chaque composant isolé.
Autosuffisance technologique : Un enjeu stratégique national
Ce développement dans l’IA s’inscrit dans un contexte de tensions croissantes entre Washington et Pékin, avec en toile de fond un durcissement des restrictions américaines sur les semi-conducteurs. En avril, Nvidia a annoncé 5,5 milliards de dollars de charges liées à ses stocks de puces, devenus en partie inutilisables en raison des nouvelles règles d’exportation vers la Chine. Les États-Unis ont en effet interdit l’exportation de composants clés, comme les unités de mémoire à large bande passante (HBM), ainsi que la puce H20 de Nvidia, dernier modèle autorisé à être vendu sur le territoire chinois.
Dans ce contexte, la Chine affiche une volonté claire de développer ses propres capacités technologiques. Le président chinois Xi Jinping a souligné la nécessité de « maîtriser les technologies fondamentales comme les puces haut de gamme et les logiciels de base », et d’« édifier un écosystème matériel et logiciel indépendant et contrôlable ». Une déclaration qui vient donner un cadre stratégique à l’initiative de Huawei, tout en révélant que cette démarche s’inscrit dans une vision à long terme du Parti communiste chinois.
Les implications de cette annonce sont multiples. À court terme, cela pourrait réduire la dépendance de la Chine aux technologies américaines. À moyen terme, si Huawei réussit son pari technologique, il pourrait devenir un acteur incontournable de l’écosystème IA mondial, tout en renforçant le découplage technologique entre les deux grandes puissances. La compétition ne se joue donc plus uniquement sur la performance des puces, mais sur la capacité à bâtir un écosystème souverain, à l’épreuve des sanctions.