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Christina CombenChristina Comben

Animoca prépare un coup de maître pour régner sur les altcoins en 2026

Les droits de douane de l’ère Trump, la réalité brutale des taux d’intérêt et l’épuisement du cycle des memecoins obligent la crypto à sortir de son syndrome de Peter Pan. Le secteur doit désormais construire des tokens à réelle utilité, estime Yat Siu

Animoca prépare un coup de maître pour régner sur les altcoins en 2026
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Pour Yat Siu, le cofondateur d’Animoca Brands, 2025 restera dans les mémoires comme « l’année Trump ». Non pas parce que le président américain Donald Trump aurait sauvé la crypto, mais parce que le secteur a trop misé sur lui, en se trompant sur tout, des droits de douane aux baisses de taux.

Trump était censé être le raccourci gagnant de la crypto en 2025. Il n’en a rien été. Le bitcoin (BTC) termine l’année en difficulté, enregistrant sa quatrième baisse annuelle de son histoire. La liquidité des memecoins s’est dispersée dans des paris politiques annexes, et l’un des bâtisseurs historiques du secteur estime que le marché a accordé une confiance excessive au nouveau président.

Performance du bitcoin en 2025. Source : CoinMarketCap

« Si je devais donner une note, je dirais B- / C+ », explique Yat Siu. Selon lui, les traders ont traité Trump comme si la crypto était son « premier enfant », alors qu’en réalité, « nous sommes probablement son troisième, quatrième ou cinquième enfant… voire le huitième ».

Les priorités de Trump — droits de douane, guerres commerciales, bras de fer avec la Réserve fédérale — ont pesé lourdement sur les actifs risqués. Et comme le souligne Siu, lorsqu’un président déclenche une guerre tarifaire, il « ne pense absolument pas au prix du bitcoin ».

Selon lui, le « Trump trade » de la crypto n’a pas fonctionné en 2025. L’année 2026 forcera donc l’industrie à se concentrer sur la conformité réglementaire et sur de vrais cas d’usage. Le projet de cotation d’Animoca via une fusion inversée repose sur une conviction : une fois les règles américaines clarifiées, les investisseurs cotés voudront une exposition indirecte aux altcoins.

L’IPO d’Animoca comme proxy des altcoins

Si 2025 a été l’année Trump, Animoca souhaite faire de 2026 celle où les marchés publics disposeront enfin d’un proxy liquide sur les altcoins. L’entreprise prévoit une introduction en Bourse via une fusion inversée avec Currenc Group, une fintech cotée au Nasdaq, une opération qui laisserait Animoca détenir 95 % de l’entité combinée. « Techniquement, sur le papier, ils nous rachètent », explique Yat Siu, « mais nous en gardons le contrôle ».

L’argument est simple : MicroStrategy est devenue un véhicule coté permettant une exposition amplifiée au bitcoin, mais il n’existe aucun équivalent pour la longue traîne des tokens. « Si vous êtes investisseur et que vous voulez une exposition à la crypto, vous aurez forcément du bitcoin… puis toute une galaxie d’altcoins. La question est : comment y accéder ? »

Acheter un token de couche de base comme l’ether (ETH) ou Solana (SOL) n’offre qu’une exposition partielle, estime-t-il. La réponse d’Animoca consiste à se positionner comme un agrégateur coté, à la manière de SoftBank, captant le potentiel haussier des altcoins et offrant aux investisseurs traditionnels une exposition diversifiée à l’écosystème Web3.

Animoca compte plus de 620 sociétés en portefeuille et a investi dans près de 100 nouveaux projets rien que l’an dernier, précise Yat Siu, l’ensemble étant détenu hors bilan. Sur l’exercice 2024, l’entreprise a affiché des revenus non audités de 314 millions de dollars et se dit EBITDA-positive depuis quatre années consécutives.

Thèse d’investissement d’Animoca Brands. Source : Animoca Brands

À terme, Yat Siu s’attend à ce qu’Animoca soit entièrement tokenisée, devenant ainsi un pont entre les marchés actions traditionnels et la propriété onchain.

Clarté réglementaire, GENIUS et le moment « tokeniser ou disparaître »

Le pari d’une IPO servant de proxy aux altcoins repose sur un point clé : la stabilisation du cadre réglementaire. Yat Siu voit dans les projets de loi américains, dont le Clarity Act et le GENIUS Act, des catalyseurs plutôt que des menaces.

« L’expression que nous aimons utiliser est : “Tokeniser ou mourir” », explique-t-il. Une fois les règles claires sur l’émission, l’échange et la supervision des tokens, il s’attend à voir affluer les acteurs traditionnels. « Les entreprises crypto acceptent de flirter avec la limite. Mais une entreprise établie, cotée ou non, pourquoi prendrait-elle ce risque ? »

Il cite l’exemple des grandes marques après la clarification des règles sur les stablecoins à Washington. Après des années d’hésitation, « tout le monde s’est soudainement mis aux stablecoins ». Il anticipe le même schéma lorsque le Clarity Act formalisera la classification des tokens et l’architecture des marchés.

Les émetteurs traditionnels lanceront alors des tokens liés à leurs activités existantes. Ils disposeront enfin d’une sécurité juridique qui faisait défaut jusque-là.

Dans ce contexte, les actifs du monde réel tokenisés servent de passerelle. Ce marché est appelé à peser des milliers de milliards de dollars d’ici 2030. Animoca a déjà noué plusieurs partenariats dans ce domaine, notamment avec Grow, un grand gestionnaire d’actifs chinois, afin de travailler sur la tokenisation et l’accès aux marchés tokenisés pour les clients traditionnels.

2026, l’année du token utilitaire

Pour Yat Siu, le prochain changement de cycle est déjà amorcé. « Le mouvement d’institutionnalisation de la crypto va se poursuivre », affirme-t-il, mais 2026 marquera l’arrivée du « nouveau commerce de détail », soumis à des règles plus claires et proposant des produits axés sur l'utilisation, et non plus uniquement sur la spéculation.

Jusqu’ici — une tendance qui a culminé lors de la saison des memecoins — l’essentiel de l’attention s’est porté sur les traders crypto existants, avec des lancements de tokens et de memecoins facilités par des plateformes comme Pump.fun.

Dans ce contexte, les builders pouvaient lancer un token sans se soucier de l’origine de la demande, privilégiant le narratif au produit. Les conditions de marché imposent désormais une remise à plat.

La « folie des memecoins » a atteint son paroxysme avec le lancement de tokens associés à Trump et Melania Trump en début d’année. Official Trump (TRUMP) a chuté de plus de 75 % depuis son sommet, tandis que Melania Meme (MELANIA) a perdu environ 90 %, laissant des centaines de milliers de petits portefeuilles en lourde moins-value.

Pour Yat Siu, il s’agit d’« une attaque vampirique massive contre la communauté meme », qui a brûlé une grande partie du retail et aspiré la liquidité du reste du marché.

À mesure que les capitaux se détournent de la spéculation pure, la prochaine vague reposera sur des produits capables de résoudre de vrais problèmes pour les gamers, les créateurs et les marques, en attirant des utilisateurs qui ne se considéraient pas comme des « gens de la crypto ».

Avec le Clarity Act et le GENIUS Act ouvrant la voie à une émission conforme, Yat Siu estime que « 2026 sera l’année du utility token, car tout le monde lancera un token avec un cas d’usage clair, et on pourra enfin en discuter ».

Alors, les entreprises crypto sont-elles en train de grandir ?

« Elles n’ont pas le choix… et nous ne sommes pas les seuls à aller en Bourse. »