Le fabricant de portefeuilles de cryptomonnaie Trezor a récemment décidé de commencer à fabriquer ses propres puces matérielles pour répondre rapidement aux événements qui déclenchent la demande, comme l'effondrement du FTX.
Trezor a annoncé le 27 février qu'il commencerait à produire l'enveloppe de la puce, un composant crucial pour le Trezor Model T, son appareil phare. Cette initiative permettra de réduire les délais du cycle d'approvisionnement de deux ans à quelques mois pour la production des portefeuilles Trezor.
Selon Trezor, cette décision permettra également de remédier aux retards d'expédition des produits finis, et de protéger les clients des fluctuations de prix causées par les variations de l'offre et de la demande de composants. À la suite du krach de FTX en novembre 2022, les investisseurs se sont précipités pour déplacer leurs avoirs en cryptomonnaies hors des exchanges centralisés de cryptomonnaies, ce qui a entraîné une augmentation de la demande de portefeuilles Trezor de plus de 300 %.
Štěpán Uherík, directeur financier de Trezor, a déclaré à Cointelegraph que la pénurie de puces de ces dernières années a également motivé la décision :
« Trezor a décidé de prendre le contrôle d'une partie du processus de fabrication des puces en réponse à la pénurie mondiale de puces au tournant de 2021 et 2022. Cette décision a été prise pour assurer la production continue de nos appareils, malgré l'allongement du délai de livraison, qui est passé de 12 semaines à 90 semaines. »
La pénurie de semi-conducteurs est un problème mondial depuis quelques années.
Ces composants électroniques complexes sont essentiels dans le monde d'aujourd'hui, car ils transportent l'électricité entre les métaux et les isolats. Les semi-conducteurs à base de silicium sont présents dans pratiquement tous les gadgets modernes, des smartphones aux ordinateurs en passant par les automobiles.
Les ventes de semi-conducteurs ont atteint un sommet mondial en 2021, car les personnes bloquées chez elles pendant la pandémie de COVID-19 ont acheté davantage d'appareils électroniques grand public. Les principaux fabricants de processeurs graphiques (GPU), comme Nvidia, ont enregistré une production record, le nombre de GPU produits ayant grimpé en flèche. Le coût de l'électronique a bondi et les semi-conducteurs étaient difficiles à trouver pour les producteurs de matériaux correspondants.
Une demande supplémentaire a été attribuée aux mineurs de cryptomonnaie utilisant des GPU pour le mining de cryptomonnaies basées sur le Proof-of-Work (PoW). Plus de 10 % des ventes de semi-conducteurs à Taïwan en 2018 provenaient d'acheteurs axés sur les cryptomonnaies. La lutte pour répondre à la demande en 2021 a conduit Nvidia à restreindre l'utilisation de sa puce de jeu pour le mining de cryptomonnaies - citant la pénurie à l'échelle de l'industrie.
La demande de semi-conducteurs sur le marché de la crypto a encore diminué avec l'avènement d'un marché baissier prolongé en 2022 et le passage d'Ethereum du mécanisme de consensus PoW à celui du PoS (Proof-of-Stake). Le passage au PoS a éliminé une grande partie des mineurs de cryptomonnaies du marché, ce qui a eu des répercussions sur la demande de semi-conducteurs.
La fabrication de puces n'est pas du goût de tout le monde
Si Trezor estime que la production de ses propres puces est la bonne solution, toutes les entreprises de cryptomonnaies ne souhaitent pas ou ne peuvent pas devenir leur propre fournisseur de semi-conducteurs. Veronica Wong, PDG et cofondatrice de SafePal - un fabricant de portefeuilles de crypto-onnaies soutenu par Binance - a déclaré à Cointelegraph que son entreprise n'avait pas été confrontée à une pénurie qui nécessiterait une unité interne de fabrication de puces.
Elle a ajouté que les problèmes de chaîne d'approvisionnement dans l'industrie des semi-conducteurs causés par la pandémie sont presque terminés, et qu'ils ne prévoient pas de problèmes d'approvisionnement dans un avenir prévisible.
A lire également : La mort dans le metaverse : Le Web3 entend apporter de nouvelles réponses à de vieilles questions
M. Wong a déclaré que la production de puces est incroyablement complexe et peut « poser un obstacle technique extrêmement élevé nécessitant l'expertise et l'investissement appropriés dans l'infrastructure », ajoutant que « sans une gestion appropriée, cela peut avoir un impact sur les coûts de production, sans nécessairement apporter une valeur ou une sécurité supplémentaire aux consommateurs, ce qui est un point négatif net ».
« Pour les portefeuilles de cryptomonnaie, la sécurité des utilisateurs devrait toujours être une priorité absolue, et nous ne serions contraints de produire nos propres puces que si aucune des puces existantes ne répondait à nos exigences en matière de sécurité. »
Pendant la pandémie, les petites entreprises ont été plus durement touchées, car les commandes plus importantes de semi-conducteurs ont été traitées en priorité, ce qui a entraîné une répartition inégale des ressources et des délais d'exécution. La résolution de pénuries internationales d'une telle ampleur nécessite une collaboration entre les fournisseurs, les fabricants et les distributeurs.
Wong a noté que si la production en interne réduit la dépendance à l'égard des fabricants tiers, « une bonne gestion de la chaîne d'approvisionnement peut également aider à contrecarrer ce problème en premier lieu. Les coûts opérationnels supplémentaires peuvent également être supportés par les utilisateurs finaux ou les consommateurs, ce qui n'est pas idéal. »
M. Uherík, de Trezor, estime que la meilleure solution consiste à combiner les deux pratiques, à savoir l'utilisation de puces produites en masse et la fabrication de solutions internes. Il ajoute que la prise en charge d'une partie du processus de fabrication des puces offre à l'entreprise une plus grande flexibilité, et garantit la stabilité des prix et la disponibilité continue des produits.
« Contrairement aux puces produites en masse, les prix et les délais de livraison peuvent varier en fonction de la demande du marché. Cela signifie également que le prix peut diminuer de manière significative. Une combinaison de puces produites en masse et de la solution propre à Trezor offre une flexibilité optimale pour garantir des prix stables et une disponibilité continue des produits. », a déclaré M. Uherík.
Jonathan Zeppettin, responsable de la stratégie de l'écosystème de cryptomonnaie basé sur la blockchain, Decred, a déclaré à Cointelegraph que cette décision était logique pour Trezor, car Tropic Square - une startup soutenue par SatoshiLabs, la société derrière Trezor - a conçu sa propre puce sécurisée, la TROPIC01.
La fabrication de matériel propriétaire en interne permet d'atténuer les problèmes de chaîne d'approvisionnement liés à divers facteurs externes tels que les retards d'expédition, la qualité du produit et les dommages causés par l'expédition. Cela réduit potentiellement leur exposition aux types de pénuries qui ont affecté les fabricants au cours des dernières années.
Cependant, la même approche pourrait ne pas fonctionner pour toutes les autres entreprises liées aux cryptomonnaies, en particulier les sociétés de mining de cryptomonnaies. Zeppettin a cité l'exemple des circuits intégrés à application spécifique utilisés dans le mining de cryptomonnaie, qui nécessitent des techniques de fabrication avancées pour leur production :
« Il faudrait probablement des années et des dizaines de milliards de dollars d'investissement pour devenir compétitif par rapport aux puces 7 nm de TSMC et Samsung. Les États reconnaissent toutefois l'importance de la fabrication de puces en tant que question de sécurité nationale, et encouragent les entreprises d'intérêt stratégique à diversifier leurs bases de fabrication. »
La décision de Trezor de fabriquer ses propres puces de portefeuille matérielles souligne l'intérêt croissant des entreprises de cryptomonnaie pour la diversification de leurs activités. Toutefois, la même approche n'est peut-être pas envisageable pour toutes les entreprises crypto qui ont besoin de puces. Les importations par des tiers sont une solution plus judicieuse pour certaines entreprises de cryptomonnaies en raison des obstacles techniques et financiers à la mise en place de telles unités de fabrication.