L’histoire se répète souvent, mais elle rime parfois avec rupture. Pour certains experts, l’écosystème crypto serait en train de vivre une bascule comparable à l’arrivée de Netscape dans l’Internet des années 90. Un point d’inflexion. Tandis que les produits régulés comme les ETF se multiplient et que les infrastructures on-chain deviennent plus accessibles, une nouvelle ère de l’adoption institutionnelle semble s’ouvrir. Pourtant, derrière l’enthousiasme, des zones d’ombre persistent. Spéculation excessive, dépendance aux memecoins, lenteur de développement : les défis sont encore nombreux. Voici les éléments clés d’une mutation profonde, encore inachevée.

Un écosystème en quête de légitimité

Les récentes déclarations de Matt Huang, cofondateur de Paradigm, ont marqué les esprits : « Le secteur crypto vit son ‘moment Netscape’ ou ‘moment iPhone’ », a-t-il affirmé sur X, saluant l’ampleur inédite du mouvement, tant du côté institutionnel que cypherpunk. Ce parallèle fait écho au lancement du navigateur Netscape en 1994, catalyseur de l’adoption massive d’Internet avant sa disparition face à la stratégie agressive de Microsoft. Le monde crypto serait donc à la croisée des chemins, entre démocratisation technologique et capitalisation institutionnelle.

Les signaux convergent : selon Eric Balchunas, analyste ETF senior chez Bloomberg, pas moins de 155 produits d’investissement régulés (ETP) attendent leur validation. Ces produits offrent un accès simplifié aux actifs crypto via des courtiers traditionnels, sans passer par les exchanges centralisés. Pour Lacie Zhang (Bitget Wallet), cela pourrait représenter une avancée majeure : « Les ETF légitiment les actifs numériques, mais ne remplacent pas les atouts uniques des systèmes on-chain. » La coexistence des deux univers s’intensifie donc.

Spéculation, memecoins et dangers d’un faux départ

Mais tous ne partagent pas l’euphorie. Certains experts alertent sur un risque de répétition du crash de la bulle Internet. Pour cause : une part substantielle des revenus blockchain reste alimentée par la spéculation. Sur Solana, 62 % des revenus d’applications décentralisées en juin 2025 provenaient du trading de memecoins. La blockchain a généré 1,6 milliard de dollars sur le premier semestre, mais avec une forte concentration sur des actifs crypto à la valeur incertaine.

Ce déséquilibre inquiète. Edwin Mata, PDG de Brickken, met en garde contre un ralentissement de l’innovation technologique, qu’il considère comme le « seul vrai risque » pour l’industrie. Il insiste : « Ce qui compte, c’est que les environnements on-chain continuent à créer de la fonctionnalité, de l’automatisation et de nouvelles structures de marché. » Marcin Kazmierczak (RedStone) va dans le même sens, rappelant que la montée des ETF n’est « pas une menace », mais bien « une expansion de l’économie on-chain ».

Entre l’appel d’air institutionnel et les dérives spéculatives, le secteur crypto marche sur une ligne de crête. L’analogie avec Netscape est séduisante, mais les enjeux dépassent la seule adoption massive. C’est sur sa capacité à offrir une réelle valeur d’usage que la blockchain jouera sa crédibilité durable. Un avenir à construire, bien au-delà des promesses court-termistes.