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Luc José AdjinacouLuc José Adjinacou

Le dollar est-il vraiment en déclin ? Ce rapport inédit de la Fed sème le doute

La Fed dévoile dans un nouveau rapport une analyse approfondie de l’évolution du dollar sur les marchés internationaux de la dette

Le dollar est-il vraiment en déclin ? Ce rapport inédit de la Fed sème le doute
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Alors que les appels à la dédollarisation se multiplient à travers le monde, un nouveau rapport de la Réserve fédérale américaine (Fed) jette un éclairage inédit sur la place du dollar sur les marchés internationaux de la dette. Loin de confirmer une perte de vitesse linéaire, la Fed identifie une dynamique en cycles, révélant des phases de repli suivies de retours en force. Une analyse qui bouscule les récits actuels et réaffirme le rôle central du billet vert.

Un leadership du dollar rythmé par des cycles historiques

Dans son rapport, la Réserve fédérale identifie trois grandes phases qui ont structuré la place du dollar sur les marchés obligataires internationaux depuis les années 1960. La première s’étend de l’après-guerre jusqu’au début des années 2000, période durant laquelle le dollar a largement dominé les émissions de dette mondiale.

Ce monopole a été partiellement remis en question au tournant du siècle, lorsque l’euro a gagné du terrain, reflétant le renforcement de l’Union européenne comme bloc économique et financier. Toutefois, cette parenthèse fut de courte durée. À partir de la crise financière de 2008, le dollar est revenu en force, regagnant des parts de marché sur les émissions obligataires internationales.

Selon les données de la Banque des règlements internationaux (BRI), cette remontée du dollar traduit une confiance renouvelée dans la stabilité et la profondeur des marchés financiers américains. La Fed insiste sur le fait que ces fluctuations ne traduisent pas un recul durable, mais plutôt une alternance de phases, dépendant des contextes économiques, géopolitiques et monétaires.

Cette approche cyclique contraste avec les discours affirmant une érosion continue de l’hégémonie du dollar. Elle repose sur des données quantitatives solides et une lecture historique, qui montrent que les périodes de repli sont souvent suivies de retours en grâce du billet vert.

Stablecoins, dette émergente et inertie monétaire : Les ressorts invisibles de l’hégémonie du dollar

Au-delà des cycles historiques, la Fed identifie plusieurs facteurs qui contribuent à l’ancrage profond du dollar dans les systèmes financiers mondiaux. Le premier réside dans l’absence d’alternative crédible à grande échelle. Aucun autre actif monétaire ne combine aujourd’hui la liquidité, la profondeur de marché et la prévisibilité des politiques économiques que présentent les États-Unis. Même l’euro, pourtant structuré autour d’une zone économique solide, peine à s’imposer en dehors de son territoire régional.

Le deuxième facteur tient à l’usage généralisé du dollar dans les pays émergents. Environ 80 % de leur dette internationale reste libellée en dollars, ce qui en fait un standard incontournable pour les emprunteurs comme pour les investisseurs. Cette dépendance structurelle empêche toute remise en cause rapide de la position du dollar.

Enfin, un élément nouveau consolide cette prééminence : l’essor des stablecoins indexés sur le dollar, comme l’USDT (Tether) ou l’USDC. Ces actifs numériques, conçus pour refléter la valeur du dollar à l’unité près, représentent plus de 85 % de l’offre globale de stablecoins en circulation. Ils renforcent l’exposition au dollar dans les écosystèmes blockchain, tout en facilitant son usage dans les transactions décentralisées, les transferts transfrontaliers et les produits DeFi.

Ainsi, même dans les environnements technologiques émergents, le dollar continue de jouer un rôle central. Il se projette dans le Web3, non plus comme simple devise fiduciaire, mais comme base de calcul, de réserve et de transaction.

À l’issue de cette analyse, le rapport de la Réserve fédérale ne propose ni triomphalisme ni alarmisme. Il souligne au contraire la complexité des dynamiques monétaires internationales. Le dollar conserve une position dominante, mais cette domination est cyclique, non linéaire, et dépend d’un ensemble de facteurs allant bien au-delà des seules décisions politiques ou volontés d’indépendance monétaire.