Alors que le paysage réglementaire des actifs crypto évolue à l’échelle européenne, la Pologne relance un projet de loi majeur qui avait pourtant été bloqué par son président. Ce texte, destiné à transposer le règlement MiCA dans le droit national, divise le pouvoir exécutif et soulève des inquiétudes chez les acteurs de l’industrie comme chez les défenseurs des libertés fondamentales.
Un texte contesté au cœur de l’alignement européen
Le Crypto‑Assets Market Act, récemment réadopté par la chambre basse du parlement polonais (Sejm), a obtenu le soutien de 241 députés, tandis que 183 se sont opposés à son adoption. Cette initiative intervient après le veto du président Karol Nawrocki, sans modification du contenu initial. L’objectif affiché du texte est de transposer dans la législation nationale les dispositions du règlement MiCA (Markets in Crypto‑Assets), récemment entré en vigueur dans l’Union européenne.
Mais si l’ambition d’harmonisation européenne est affichée, le contenu du projet va plus loin que les exigences minimales de MiCA. Plusieurs dispositions ont attiré l’attention, notamment la possibilité pour l’Autorité de supervision financière polonaise (KNF) de bloquer des sites internet ou d’imposer des amendes élevées. Ces pouvoirs élargis, jugés excessifs par certains élus et observateurs, pourraient imposer des contraintes importantes aux entreprises du secteur crypto, tant sur le plan juridique que technique.
Entre impératifs de sécurité et craintes liberticides
À l’origine, le texte avait été bloqué par le président polonais, qui avait exprimé de vives préoccupations quant à l’impact du projet sur les libertés individuelles et la propriété privée. Selon lui, plusieurs formulations trop générales dans le texte pourraient être interprétées de manière arbitraire, mettant potentiellement en péril des principes démocratiques fondamentaux.
Malgré ces avertissements, le gouvernement mené par le Premier ministre Donald Tusk a maintenu sa ligne. En réintroduisant le texte à l’identique, l’exécutif affirme que la Pologne a besoin d’un cadre juridique renforcé pour encadrer le développement rapide des actifs crypto, en particulier pour lutter contre le blanchiment d’argent et renforcer la sécurité économique et nationale. Cette position, soutenue par une partie de la majorité parlementaire, repose sur l’idée qu’une réglementation claire et rigoureuse est nécessaire pour instaurer la confiance et assurer une supervision efficace du marché.
Le projet de loi est désormais entre les mains du Sénat, qui devra se prononcer dans les prochaines semaines. Si aucune modification n’est apportée, le texte sera de nouveau présenté au président, qui devra choisir entre le promulguer ou opposer une nouvelle fois son veto.
Ce nouvel épisode législatif met en lumière les difficultés d’équilibrer innovation technologique, régulation efficace et respect des libertés fondamentales. La manière dont ce projet sera perçu par les autres États membres et par l’industrie crypto pourrait influencer la future application du règlement MiCA en Europe, et façonner le débat sur la gouvernance des actifs numériques à l’échelle continentale.
