Des dirigeants de l’industrie crypto ont exhorté la Securities and Exchange Commission (SEC) à faire évoluer sa perception des outils de confidentialité blockchain, en rappelant que ces technologies ont des usages légitimes bien au-delà des activités criminelles.
Lundi, la SEC a réuni des dirigeants du secteur crypto et de la finance pour une table ronde et un panel consacrés à la surveillance financière et à la protection de la vie privée. Il s’agissait de la sixième rencontre dédiée à la crypto organisée par l’agence cette année, dans le cadre de sa volonté de revoir en profondeur son approche du secteur.
Katherine Kirkpatrick Bos, directrice juridique de StarkWare et intervenante lors du panel, a déclaré à Cointelegraph après l’événement que l’un des enseignements majeurs était qu’il ne fallait pas partir du principe que les utilisateurs et les créateurs d’outils de confidentialité seraient « submergés par des acteurs malveillants ».
« Pourquoi part-on du principe qu’un individu doit prouver activement qu’il respecte les règles ou qu’il utilise ces outils de manière légitime ? » a-t-elle interrogé.
« Au lieu de considérer, par défaut, que la personne utilise l’outil à des fins légitimes, jusqu’à ce qu’un élément indique le contraire », a-t-elle ajouté.
Kirkpatrick Bos a reconnu que « bien sûr, des acteurs malveillants utilisent ou ont utilisé ces outils », tout en soulignant la nécessité de trouver un équilibre.

Lors de la table ronde, Wayne Chang, fondateur et PDG de la société de gestion d’identités numériques SpruceID, a expliqué qu’une partie des utilisateurs de stablecoins — un outil crypto qui se démocratise progressivement — souhaite bénéficier d’un certain niveau de confidentialité.
« De nombreux stablecoins ne sont pas encore onchain, mais pourraient le devenir si des solutions de confidentialité existaient », a-t-il déclaré. « Nous allons assister à une hausse de la demande pour des blockchains intégrant des mécanismes de protection de la vie privée ».
« J’espère que les régulateurs continueront à dialoguer avec l’industrie afin que nous puissions réfléchir ensemble à la manière de préserver la confidentialité des utilisateurs tout en disposant d’outils efficaces », a ajouté Wayne Chang.
Les contrôles clients jugés dépassés
Katherine Kirkpatrick Bos a également indiqué que les discussions autour des dispositifs Know Your Customer (KYC) et Anti-Money Laundering (AML) ont porté sur leur pertinence à l’ère de l’intelligence artificielle.
« La question qui a émergé lors du panel était la suivante : qu’est-ce qui est réellement nécessaire en matière de lutte contre le blanchiment ? », a-t-elle expliqué. « Aujourd’hui, avec l’IA, les processus manuels de KYC et d’AML apparaissent dépassés. Comment peut-on y répondre ? »
« Il s’est dégagé l’idée que les systèmes actuels de KYC et d’AML sont obsolètes, problématiques et peu efficaces », a-t-elle ajouté. « Mais un certain niveau de contrôle reste nécessaire lorsqu’une entité centralisée facilite des flux financiers, afin de s’assurer qu’elle ne soutient pas des activités illégales ».
De nombreuses institutions financières demandent encore une photo du permis de conduire dans le cadre du KYC, une pratique que Kirkpatrick Bos qualifie d’« absurde », soulignant qu’« il est aujourd’hui possible de créer un faux permis en quelques secondes sur internet ».
« La question est donc de savoir si des outils basés sur la cryptographie peuvent améliorer ces processus et compliquer la tâche des acteurs malveillants », a-t-elle poursuivi. « Tout en protégeant la vie privée des individus et sans exiger des données inutiles, comme une adresse, lorsqu’elles ne sont pas nécessaires pour vérifier la légalité des fonds ».
Certains projets commencent déjà à tester des solutions crypto permettant de prouver une identité tout en préservant la confidentialité, à l’image de World, le projet de Sam Altman, qui fournit aux utilisateurs une clé cryptographique attestant qu’ils sont bien humains.
Paul Atkins alerte sur le risque d’une surveillance de masse
En ouverture de la table ronde, le président de la SEC, Paul Atkins, a averti que « si elle est orientée dans la mauvaise direction, la crypto pourrait devenir l’architecture de surveillance financière la plus puissante jamais créée ».
« Si le réflexe des autorités consiste à traiter chaque wallet comme un broker, chaque logiciel comme un exchange, chaque transaction comme un événement à déclarer et chaque protocole comme un point de surveillance, alors l’État transformera cet écosystème en un véritable panoptique financier », a-t-il déclaré.
Atkins a rappelé que la crypto permet l’émergence d’« outils de protection de la vie privée impossibles à mettre en œuvre dans le monde traditionnel », sur lesquels certaines institutions s’appuient pour construire des positions ou tester des stratégies sans « signaler immédiatement leurs intentions à leurs concurrents ».
Il a ajouté que ces technologies pouvaient permettre de concilier l’intérêt des autorités en matière de sécurité et le respect de la vie privée du public.
« Mais pour trouver le bon équilibre, nous devons nous assurer que les Américains puissent utiliser ces outils sans être automatiquement suspectés », a-t-il conclu.

