À l’heure où la géopolitique monétaire se joue désormais sur les rails du numérique, la Chine vient de franchir une étape cruciale. Avec le lancement de son tout premier stablecoin régulé adossé au yuan offshore (CNH), Pékin signale clairement son ambition de s'imposer dans la course mondiale à la tokenisation des monnaies fiduciaires. Pourquoi cette annonce pourrait-elle changer les équilibres économiques numériques mondiaux ?

Un stablecoin adossé au yuan offshore pour les marchés étrangers

Le 18 septembre, la société fintech AnchorX a dévoilé son stablecoin AxCNH, adossé au yuan offshore (CNH), à l’occasion du Belt and Road Summit organisé à Hong Kong. Cette initiative marque une première : il s’agit du premier stablecoin régulé libellé en CNH, explicitement conçu pour les marchés d’échange internationaux, comme l’a rapporté Reuters. « AxCNH vise à faciliter les transactions transfrontalières avec les pays partenaires de la Belt and Road Initiative », a précisé l’équipe d’AnchorX, insistant sur le rôle stratégique de l’actif crypto dans le développement des infrastructures commerciales de la Chine à l’étranger.

Ce lancement n’est pas anodin. Il intervient après un pivot réglementaire majeur en Chine, où les stablecoins sont désormais envisagés comme des instruments de rayonnement économique international, à la différence de leur interdiction à usage domestique. AxCNH est un stablecoin surcollatéralisé, entièrement garanti par des dépôts en devises ou des titres de dette souveraine détenus par un dépositaire agréé. La même semaine, en Corée du Sud, la société BDACS a également lancé KRW1, un stablecoin adossé au won sud-coréen, témoignant d’un engouement régional croissant pour ces outils crypto.

Un enjeu géopolitique au-delà de la simple innovation technologique

Les stablecoins comme AxCNH ou KRW1 ne sont plus de simples produits technologiques : ils sont désormais des armes d’influence monétaire. En plaçant des devises nationales sur la blockchain, les gouvernements cherchent à contourner les systèmes bancaires traditionnels, souvent lents, coûteux et peu accessibles dans certaines zones. Ce type d’initiative permet aussi de stimuler la demande pour une monnaie locale, ce qui est crucial pour contenir les effets de l’inflation liés à l’émission excessive de monnaie.

Ce mécanisme a également un effet collatéral majeur : les émetteurs de stablecoins, à l’instar de Tether et Circle, acquièrent massivement des obligations d’État pour garantir leurs actifs crypto. Cela fait d’eux des acteurs incontournables du marché de la dette publique, au point que Tether est désormais l’un des plus gros détenteurs de bons du Trésor américain, surpassant certains pays comme le Canada ou la Norvège. Ce système permet de réduire le coût de la dette pour les États tout en boostant la liquidité mondiale.

Cette double annonce de la Chine et de la Corée du Sud reflète un basculement stratégique mondial. Les stablecoins deviennent un levier de politique monétaire, un outil diplomatique et un support d’influence économique. Si l’Occident semble dominer avec le dollar numérique via Tether et Circle, l’entrée en scène de la Chine via AxCNH pourrait rapidement rebattre les cartes. La course ne fait que commencer, et chaque lancement accentue la tension entre régulation, souveraineté et innovation.