L’adoption mondiale de la DeFi n’est plus une spéculation marginale réservée aux pionniers du Web3. Pour Sergey Nazarov, fondateur de Chainlink, l’industrie aurait déjà parcouru 30 % du chemin vers la normalisation institutionnelle, et pourrait atteindre les 100 % dès 2030, sous certaines conditions. Entre avancées technologiques, régulations attendues, et mouvements des fonds traditionnels, ce virage pourrait bien remodeler l’architecture financière mondiale. Explications.
Adoption de la DeFi : où en est-on vraiment ?
Lors d’un entretien publié sur YouTube avec Michaël van de Poppe, le cofondateur de Chainlink, Sergey Nazarov, affirme que la DeFi a déjà accompli 30 % de son parcours vers une adoption mondiale. Pour lui, les prochaines étapes décisives résident dans une clarification réglementaire, qui pourrait permettre à la finance décentralisée d’atteindre 50 % d’adoption mondiale. Nazarov anticipe que l’adhésion massive viendra « lorsqu’il existera une voie claire et efficace pour les institutions afin d’investir le capital de leurs clients dans la DeFi ». Cette adoption institutionnelle repose sur la construction de mécanismes de confiance soutenus par des cadres juridiques solides.
Ces propos font écho à ceux de Michael Egorov, fondateur de Curve Finance, qui pointait en février 2025 les obstacles majeurs liés à la réglementation, la conformité KYC/AML, la transparence des transactions et la sécurité technique. Nazarov précise que la bascule viendra des États-Unis, car « de nombreux gouvernements suivent ce que font les États-Unis pour rester compatibles avec leur système financier ». En parallèle, les protocoles de prêts DeFi bénéficient déjà d’un essor considérable : selon Binance Research, leur TVL cumulée a grimpé de plus de 72 % depuis janvier 2025, passant de 53 à 127 milliards de dollars. Une dynamique qui souligne l’appétit croissant des acteurs institutionnels, notamment à travers les stablecoins et actifs tokenisés.
Une rivalité DeFi vs TradFi d’ici 2030 ?
Sergey Nazarov ne se limite pas à une analyse de l’état actuel : il projette une rivalité directe entre la DeFi et la finance traditionnelle (TradFi) à l’horizon 2030. Il prévoit des comparatifs concrets, où l’on mesurera la part des capitaux institutionnels alloués à la DeFi face à ceux investis dans les marchés financiers classiques. Il affirme : « Je pense qu’il y aura, en 2030, des graphiques montrant le pourcentage des fonds institutionnels dans la DeFi par rapport à la TradFi ». Pour lui, ce sera le déclencheur du passage d’une niche d’initiés à une adoption massive.
Ce changement de paradigme repose aussi sur un glissement dans la perception réglementaire. Michael Selig, conseiller principal à la SEC, souligne que la terminologie « DeFi » est devenue un mot-valise : « Quand on parle de DeFi, c’est en quelque sorte un mot à la mode », incitant à focaliser l’attention sur les caractéristiques techniques des applications on-chain plutôt que sur leur étiquette. Cette réorientation pourrait favoriser des cadres plus adaptés à la réalité des protocoles crypto.
Si les prévisions de Nazarov se réalisent, l’écosystème blockchain pourrait bientôt capturer une part significative de la finance globale, avec des implications majeures : redéfinition des canaux de financement, désintermédiation accélérée, mais aussi nouveaux défis de gouvernance. D’ici là, la course reste ouverte entre innovation technologique, avancées réglementaires et stratégie des grands acteurs financiers.