Une nouvelle proposition d’amélioration de Bitcoin (Bitcoin Improvement Proposal, ou BIP) en faveur d’un soft fork a provoqué la colère de nombreux utilisateurs sur X (anciennement Twitter), en raison d’un passage que certains considèrent comme une menace de poursuites judiciaires à l’encontre de ceux qui rejetteraient cette mise à jour.
Cette proposition, rédigée par le développeur principal Luke Dashjr et publiée vendredi, constitue le dernier épisode du conflit opposant Bitcoin Core et Bitcoin Knots. Au cœur du débat : la question de savoir à quoi doit réellement servir Bitcoin, et si les transactions non financières doivent être filtrées du réseau.
L’objectif du texte est de limiter la quantité de données contenues dans les transactions bitcoin (BTC) via un soft fork temporaire d’un an, le temps d’élaborer une solution plus durable. Cette mesure vise à répondre aux inquiétudes selon lesquelles certains acteurs malveillants pourraient inscrire sur la blockchain des contenus illégaux ou immoraux, à la suite de la mise à jour Bitcoin Core v30.
Cependant, à la ligne 261 du document, les auteurs écrivent qu’« il existe un obstacle moral et légal à toute tentative de rejet de ce soft fork ».
Puis, entre les lignes 270 et 272, ils ajoutent : « Rejeter ce soft fork pourrait vous exposer à des conséquences juridiques ou morales, ou vous amener à bifurquer vers une nouvelle altcoin comme Bcash. Toutefois, strictement parlant, vous êtes libre de choisir. »
Ces passages du texte ont immédiatement été dénoncés sur GitHub comme une véritable attaque contre la blockchain Bitcoin.
Des accusations de « menace légale »
Bitcoin, première crypto au monde, a été conçue pour remettre en cause les institutions financières traditionnelles et redonner le pouvoir aux individus. Les détracteurs de la proposition estiment que toute forme de censure ou de restriction sur la taille des données contredit le principe fondamental de Bitcoin : une utilisation sans autorisation.
Dimanche, un utilisateur se présentant sous le pseudonyme Bam — fondateur d’une plateforme éducative sur Bitcoin et ingénieur système — a qualifié le texte d’« orwellien », en référence à l’auteur George Orwell et à son roman 1984, décrivant une société totalitaire.
Ben Kaufman, codeur et ingénieur logiciel, a déclaré qu’« un fork imposé sous la menace de conséquences légales constitue le cas le plus évident d’attaque contre Bitcoin ».
Le cryptographe et informaticien canadien Peter Todd a également réagi en partageant une capture d’écran de Dashjr, estimant qu’« il est clair qu’il s’attend à ce que son soft fork soit adopté sous la pression de menaces légales ».
Alex Thorn, responsable de la recherche chez Galaxy Digital, a commenté la publication de Todd en affirmant que cette approche était « explicitement une attaque contre Bitcoin, mais également incroyablement stupide ».
Certains observateurs ont par ailleurs averti qu’en cas de désaccord entre mineurs et utilisateurs sur l’activation du fork, le réseau risquait une scission de la chaîne (chain split).
D’autres estiment qu’il s’agit d’un malentendu
Depuis longtemps, les utilisateurs peuvent insérer des messages dans la blockchain. La mise à jour Bitcoin Core v30 a toutefois élargi la taille maximale des données, ce qui, selon la proposition, expose potentiellement chaque participant du réseau à une responsabilité pénale si du contenu illégal est stocké dans les transactions.
Plusieurs utilisateurs de X affirment que c’est précisément ce risque juridique que la proposition évoque : le refus du fork pourrait permettre à du contenu illicite d’être conservé dans la blockchain, entraînant des conséquences légales ou morales pour les nœuds impliqués.
Dashjr semble partager cette interprétation. En réponse à un internaute affirmant qu’il serait « illégal de rejeter le soft fork », il a écrit : « Ce n’est pas ce que le texte dit. Vous pouvez proposer une clarification si vous pensez que c’est ambigu. »
« Le mot may ne signifie pas certainly. Pour le contexte, cette partie vient probablement d’une version antérieure, sans activation proactive — à l’époque, la chaîne opposée aurait sûrement inclus du contenu pédopornographique (CSAM). Il serait donc pertinent d’ajouter une clarification », a t’il ajouté.
Un soft fork peut-être déjà caduc
Selon Dashjr, la proposition de soft fork progresse déjà sans qu’aucune objection technique n’ait été soulevée.
Toutefois, Peter Todd affirme avoir trouvé un moyen de contourner le mécanisme décrit dans le texte. Il déclare avoir enregistré une transaction contenant l’intégralité du contenu de la proposition — une transaction, selon lui, « 100 % standard et totalement compatible » avec le soft fork proposé.
De son côté, BitMEX Research a averti qu’un acteur malveillant pourrait profiter du système pour mener une attaque par double dépense (double-spend). En plaçant du contenu illégal sur la blockchain, il pourrait provoquer une réorganisation de la chaîne (reorg) et réussir son attaque, créant ainsi un « incitatif économique » à publier de tels contenus.