L’informatique quantique, longtemps perçue comme une technologie lointaine, suscite aujourd’hui des réactions contrastées dans l’univers Bitcoin. Deux figures influentes du secteur, Adam Back et Nic Carter, ont récemment confronté leurs visions opposées sur ce sujet sensible. L’un prône une vigilance discrète, l’autre appelle à une alerte publique. Ce débat met en lumière les tensions autour de la gouvernance technique de Bitcoin et sa capacité à anticiper les bouleversements technologiques à venir.
Nic Carter sonne l’alarme, Adam Back plaide pour la retenue
Nic Carter, associé chez Castle Island Ventures, affirme que la communauté Bitcoin ne prend pas suffisamment au sérieux les risques liés aux progrès du calcul quantique. Il estime que de nombreux développeurs font preuve de déni face à une menace pourtant bien réelle. Pour appuyer ses propos, il rappelle l’essor rapide des investissements dans ce domaine et la course engagée par plusieurs États pour se doter de capacités de décryptage post-quantiques. Selon lui, Bitcoin pourrait un jour devenir une cible stratégique, en raison de la nature publique de certaines clés associées aux transactions.
Pour incarner cette posture proactive, Carter a investi dans Project Eleven, une startup spécialisée dans la protection des actifs numériques contre les attaques quantiques. Il juge impératif que le protocole Bitcoin commence à intégrer des alternatives cryptographiques capables de résister à cette évolution.
Cette position a été vivement contestée par Adam Back, PDG de Blockstream. Sur le réseau X, il a critiqué les déclarations de Carter, les qualifiant de bruit informe qui ne contribue en rien à la sérénité du débat. Selon lui, la menace est bien connue et fait déjà l’objet d’une surveillance technique. Il défend une approche silencieuse et responsable, arguant que l’inquiétude excessive pourrait nuire à la perception de fiabilité du protocole. Back considère qu’il n’est pas nécessaire d’alerter le public tant qu’aucune avancée concrète n’est observable du côté des technologies quantiques.
L’architecture de Bitcoin face à une transition cryptographique
L’infrastructure de Bitcoin repose sur la cryptographie à courbe elliptique. Cette méthode sécurise les signatures des transactions, mais elle pourrait théoriquement être compromise par une machine quantique suffisamment avancée. Si une clé publique est exposée sur la blockchain, un ordinateur quantique pourrait en déduire la clé privée, rendant les fonds vulnérables.
Nic Carter insiste sur ce point pour justifier une action immédiate. Il souligne que des normes post-quantiques sont déjà en cours d’élaboration dans des secteurs sensibles, notamment au sein de certaines agences gouvernementales. À ses yeux, Bitcoin ne doit pas rester à l’écart de cette dynamique. Il appelle à une stratégie ouverte, documentée et concertée pour permettre au réseau de s’adapter avant qu’il ne soit trop tard.
De son côté, Adam Back temporise en rappelant que seules les adresses ayant déjà été utilisées sont potentiellement exposées. Il affirme que tant qu’une adresse ne sert qu’à recevoir des fonds, sa clé publique n’apparaît pas sur la blockchain, ce qui la protège de toute attaque. Il estime plus judicieux de différer l’adoption d’algorithmes post-quantiques jusqu’à ce qu’ils soient éprouvés et largement acceptés. Pour lui, agir dans la précipitation pourrait s’avérer plus risqué qu’utile.
Ce désaccord entre les deux experts illustre une tension bien connue dans l’univers open source. Faut-il privilégier la transparence et l’anticipation, au risque d’exagérer un problème ? Ou au contraire, avancer prudemment en coulisses, quitte à minimiser un danger émergent ? L’issue de ce débat pourrait orienter les prochaines décisions techniques majeures du protocole Bitcoin.
