Un débat ancien, mais loin d’être clos, vient de ressurgir au sein de la communauté Bitcoin : la question du stockage de données non monétaires sur la blockchain. Dans une sortie particulièrement virulente, le développeur et maximaliste Jimmy Song s’en est pris frontalement aux mainteneurs de Bitcoin Core, qu’il accuse d’adopter une logique fiat contraire à l’esprit Bitcoin. En cause : la levée de la limite sur OP_RETURN, prévue dans la prochaine mise à jour de Bitcoin Core 30. Une décision qui ravive les souvenirs des guerres de taille de bloc et soulève de nouvelles inquiétudes sur la direction du projet Bitcoin.
OP_RETURN, symbole d'une fracture idéologique
Jimmy Song n’a pas mâché ses mots. Dans une prise de position publiée sur GitHub et relayée dans plusieurs cercles Bitcoin, le développeur accuse les mainteneurs de Bitcoin Core de promouvoir une mentalité fiat en supprimant la limite de 80 octets imposée à l’opcode OP_RETURN. Selon lui, les données non financières enregistrées sur la blockchain sont tout simplement du spam : « Les usages non monétaires de Bitcoin sont du spam. Vous pouvez discuter de leur utilité, mais dire que vous ne pouvez pas les définir est une tactique pour éviter le débat », affirme-t-il.
Ce changement, pourtant largement contesté au sein de la communauté, a été validé malgré une opposition visible, notamment de la part des exploitants de nœuds. Jimmy Song estime que le débat a été étouffé par une élite technique qui refuse de prendre en compte les risques à long terme : « Ne pas faire de distinction entre usage légitime et abus de la blockchain revient à ouvrir la porte à la centralisation, à l’image du système fiat que Bitcoin prétend combattre ». Pour lui, c’est une dérive grave et une rupture avec les principes fondateurs du protocole.
Rupture communautaire et exode vers Bitcoin Knots
Mais la polémique ne reste pas théorique. Sur le terrain, elle a déjà produit des effets mesurables. Depuis l’annonce du retrait de la limite OP_RETURN, une part significative de la communauté Bitcoin a migré vers Bitcoin Knots, une implémentation alternative du logiciel de nœud. Alors qu’en 2024, moins de 1 % des nœuds utilisaient Knots, ce chiffre a explosé à près de 20 % en seulement neuf mois, selon les données de Coin Dance.
Pourquoi ce choix ? Bitcoin Knots permet aux opérateurs de nœuds de restreindre strictement la taille des données, garantissant une meilleure maîtrise de la charge réseau et des besoins matériels. En limitant la croissance de la blockchain – aujourd’hui estimée à 680 Go depuis 2009 – Knots offre une solution pour préserver l’accessibilité de Bitcoin, notamment sur du matériel grand public à moins de 300 dollars.
Cette fracture, bien que technique en apparence, soulève des questions fondamentales sur la gouvernance de Bitcoin et sur l’équilibre entre ouverture fonctionnelle et résilience décentralisée. Faut-il préserver une blockchain minimaliste, centrée sur les transactions financières, ou l’ouvrir à des usages plus larges, au risque d’en affaiblir la robustesse ? Alors que certains évoquent déjà un scénario à la Bitcoin Cash, le spectre d’un nouveau hard fork alimente les spéculations.